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CHAPITRE II.

LA FUITE.


Si notre ami Alexandre Fairford avait connu ces dernières conséquences de la retraite précipitée de son fils hors de la salle d’audience, il aurait pu arriver qu’il en eût perdu la tête, et qu’on eût vu ainsi s’accomplir la prédiction du vieux juge. Dans son ignorance, il était déjà assez malheureux. Son fils s’était élevé dans son estime de dix degrés plus haut que jamais, par les talents judiciaires qu’il venait de déployer. L’approbation des juges et des professeurs de jurisprudence, qui, à ses yeux, valait celle du genre humain entier, justifiait dans sa plus grande étendue l’idée avantageuse que sa partialité de père l’avait porté à concevoir du mérite d’Alan. D’un autre côté, il se sentait un peu humilié lui-même par un déguisement dont il avait usé envers ce fils de ses espérances.

La vérité était que le matin de ce fameux jour, M. Alexandre Fairford avait reçu de son correspondant et ami M. Crosbie, prévôt de Dumfries, la lettre suivante :

« Mon cher monsieur,

« Votre honorée du vingt-cinq dernier m’est parvenue à souhait par l’entremise de M. Darsie Latimer, et j’ai prodigué à ce jeune homme toutes les attentions qu’il lui a plu d’accepter. Ma présente lettre a un double objet. Le premier est pour vous dire que le conseil est d’avis que vous commenciez à poursuivre l’affaire du moulin, et qu’il espère se trouver à même de vous fournir des preuves noviter repertas, pour que vous souteniez les us et coutumes du bourg, par rapport aux grana invecta et illata. Il vous plaira donc de vous regarder comme autorisé à parler à M. Pest et à lui soumettre les pièces que vous recevrez par la diligence. Le conseil pense que deux guinées d’honoraires peuvent suffire en cette occasion, puisque M. Pest en a déjà reçu trois pour dresser la première requête.

« Je saisis aussi cette occasion pour vous annoncer qu’il y a eu une grande émeute parmi les pêcheurs de la Solway qui ont dé-