Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 20, 1838.djvu/181

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

doirie terminée, s’il vous plaêt de venir dîner chez moi, ou, ce qui revient au même et vaut peut-être encore mieux, que j’aille dîner chez vous, je ne refuserai pas de prendre quelque liqueur, pourvu que ce soit avec modération. »

Le vieux Fairford haussa les épaules, et se hâta de quitter le plaideur. Bientôt il vit son fils revêtu de la robe ornée de martre, qui était à ses yeux plus vénérable que la robe violette d’un archevêque ; il ne put s’empêcher de venir lui frapper sur l’épaule, l’engageant à prendre courage et à montrer qu’il était digne de la porter. Ils entrèrent dans le grand vestibule du palais, où s’assemblaient jadis les membres du vieux parlement d’Écosse, et servant au même usage que Westminster-Hall en Angleterre ; espèce d’antichambre qui précède la chambre elle-même, et domaine privé de certains personnages sédentaires appelés lords de l’Ordinaire.

La plus grande partie de la matinée fut employée par le vieux Fairford à répéter ses instructions à Alan, et à courir dès qu’il voyait un confrère ou un ami auprès duquel il pouvait encore recueillir quelques détails soit sur le fond de l’affaire, soit sur les points accessoires du procès. Cependant le pauvre Pierre Peebles, dont le cerveau timbré était entièrement incapable de comprendre l’importance réelle du moment, suivait son jeune avocat d’aussi près qu’une ombre suit un corps, affectant de lui parler tantôt à voix haute et tantôt à l’oreille. Il tâchait d’égayer sa sombre figure en souriant agréablement, ou de froncer les sourcils pour se donner un air grave et solennel, et parfois il affectait de regarder son monde avec un air de mépris et de dérision. Ces variations d’idées du pauvre client étaient accompagnées de gestes et de mouvements bizarres que le plaideur en haillons croyait analogues aux changements de sa physionomie. Tantôt il brandissait son bras en l’air, le poing fermé, comme pour percer son adversaire ; tantôt il appuyait sa main tout ouverte sur la poitrine, et tantôt, la levant soudain, il faisait bravement claquer ses doigts.

Ces démonstrations, ainsi que la honte et l’embarras qu’elles causaient au jeune Fairford, n’échappèrent pas à l’observation des oisifs qui se trouvaient dans l’antichambre. Il est vrai qu’ils n’approchèrent pas de Peebles avec leur familiarité habituelle, par un sentiment de déférence pour Fairford, quoique la plupart l’accusassent de présomption pour oser entreprendre pour son