Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 20, 1838.djvu/180

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difficile, pour son début au barreau, s’il n’avait pas pensé que c’était le seul expédient qui pût empêcher le jeune homme de faire une démarche fatale au moment de son début dans la carrière.

Entre deux maux, M. Fairford dut choisir celui qu’il jugeait être le moindre, et imiter le brave qui envoie son fils à l’assaut, et qui préfère le voir mourir sur la brèche que de le voir quitter le champ de bataille avec déshonneur. Mais il ne l’abandonna pas à ses propres efforts. Comme Alphée précédant Hercule, il débrouilla lui-même le procès de Pierre Peebles, vraie étable d’Augias. Ce fut pour le vieillard un travail plein de douceur que de mettre sous un jour clair et lumineux les faits réels de cette cause, que l’insouciance et les bévues des premiers procureurs de Peebles avaient plongée en un immense chaos de formes judiciaires et de termes techniques. Telles étaient son habileté et son adresse, qu’il fut capable, après un rude travail de deux ou trois jours, de soumettre à la réflexion du jeune avocat les clauses principales du procès sous un point de vue aussi clair que simple. Avec l’assistance d’un procureur si affectionné et si infatigable, Alan Fairford fut à même, quand arriva le jour de l’épreuve, de se présenter devant la cour, accompagné de son père. Celui-ci, malgré ses craintes, ne cessait de l’encourager, avec une certaine confiance que l’audace de s’attaquer à une affaire aussi ardue ne nuirait pas à la réputation du nouvel avocat.

Ils rencontrèrent à la porte du tribunal le pauvre Pierre Peebles avec son énorme chapeau, perché, comme de coutume, sur sa perruque d’étoupes. Il se jeta sur le jeune avocat comme un lion se jette sur sa proie. « Comment cela va-t-il, monsieur Alan ? — Comment cela va-t-il, mon cher ami ? — Le terrible jour est enfin arrivé, — jour dont le souvenir demeurera long-temps dans cette cour de justice. Le pauvre Pierre Peebles contre Plainstanes, six procès réunis — devant les chambres assemblées ; — ma cause la première sur le rôle d’aujourd’hui ! — Je n’ai pas dormi de toute la semaine à force d’y penser ; et, j’ose le dire, le lord président n’en a pas dormi d’avantage. — Car une pareille cause !… Mais, dites donc, votre père m’a fait vider un peu trop vite sa bouteille d’une pinte l’autre soir. C’est mal de mêler l’eau-de-vie avec les affaires, monsieur Fairford. J’aurais été gris à rouler dans la rue, si j’avais consenti à boire autant de fois que vous m’y invitiez tous les deux. Mais il y a temps pour tout ; et, la plai-