Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 20, 1838.djvu/177

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des boucles d’or formaient ses jarretières dessous le genou : enfin une fleur à sa boutonnière en été, un brin de houx en hiver complétaient son costume bien connu de toute la ville. Ses manières répondaient à cet extérieur : elles étaient scrupuleusement polies et même un peu cérémonieuses. Il était un ancien de l’église, et par suite zélé partisan du roi Georges et du gouvernement, comme il l’avait montré en prenant les armes pour leur cause. Mais pourtant, comme il avait des clients et des relations d’affaires dans les familles qui professaient des opinions opposées, il mettait un soin excessif à employer toutes les phrases de convention que la civilité de l’époque avait inventées, comme un compromis de langage entre les deux partis. C’est ainsi que parfois il parlait du Chevalier, mais sans l’appeler jamais le Prince, ce qui eût été sacrifier ses propres principes ; ni le Prétendant, ce qui aurait blessé ceux des autres. Il désignait ordinairement la rébellion sous le nom de l’affaire de 1745, et s’il avait à parler d’une personne qui s’y était mêlée, il disait qu’elle s’était absentée à une certaine époque. En somme, M. Fairford était généralement aimé et respecté des deux partis, quoique ses amis n’eussent pas été fâchés qu’il donnât plus fréquemment à dîner, attendu que sa petite cave renfermait quelques vieux vins de choix dont il n’était pas avare dans les rares occasions où il traitait.

L’unique jouissance de ce digne homme, outre le plaisir qu’il trouvait réellement à s’acquitter de ses occupations journalières, était l’espérance de voir son fils Alan, fruit unique d’une union que la mort avait dissoute de bonne heure, obtenir le rang et la réputation d’un bon avocat ; ce qui, à ses yeux, était la plus éclatante de toutes les distinctions.

Chaque profession a ses idées particulières sur les honneurs de ce monde, et M. Fairford était si restreint et si exclusif dans les siennes, qu’il ne prisait rien absolument après les objets d’ambition que son imagination lui présentait. Il aurait frémi à la pensée qu’Alan pût acquérir la renommée d’un héros, et souri de dédain à celle qu’il voulût cueillir les lauriers stériles de la littérature ; c’était par l’unique carrière du barreau qu’il désirait le voir parvenir à l’illustration, et les probabilités de succès et d’échec occupaient son esprit pendant le jour, et ses rêves pendant la nuit.

Le caractère d’Alan Fairford, aussi bien que son talent, étaient de nature à encourager l’attente de son père. Il possédait une