Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 20, 1838.djvu/148

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possible sur mes aventures fort ordinaires, dût cette poésie n’exister que dans mon imagination ; et je ne cesserai pas d’infliger à vos yeux dévoués la peine de lire les volumes à travers lesquels je conduirai mon récit.

La dernière lettre s’arrêtait au moment où j’allais descendre dans la vallée de Brokenburn, par le dangereux sentier que j’avais une première fois parcouru en croupe derrière un cavalier galopant, et où j’allais cette fois m’aventurer sous la conduite d’un aveugle.

Il faisait alors nuit noire ; mais ce n’était point un inconvénient pour mon guide. Willie s’avançait toujours d’un pas assuré, comme par instinct, de sorte que nous fûmes bientôt arrivés au fond, et que je pus voir des lumières briller dans la chaumière où j’avais trouvé un asile dans une occasion récente. Ce n’était point là, pourtant, que nous dirigions nos pas. Nous laissâmes l’habitation du laird à gauche, et, nous repliant sur le ruisseau, nous ne tardâmes pas à approcher du petit hameau qui s’était élevé à l’embouchure, sans doute à cause de la commodité du petit havre offert par la nature aux bateaux de pêcheurs. Une large cabane, fort basse, se trouvait juste en face de nous ; elle était splendidement éclairée ; et la lumière jaillissait non-seulement de chacune des fenêtres et des ouvertures pratiquées dans les frêles murailles, mais encore par les fentes et les crevasses du toit, construit en lattes goudronnées et recouvertes de chaume et de terre.

Tandis que ces circonstances occupaient mon attention, celle de mon compagnon était attirée par un bruit régulier, qui semblait provenir de pieds retombant en cadence sur un plancher, accompagné de faibles notes que l’oreille fine de Willie reconnut et s’expliqua aussitôt, tandis que moi je n’entendais presque rien. Le vieillard frappa la terre de son bâton avec colère, et s’écria : « Les infâmes pêcheurs ! ils ont amené un autre violon dans mon chemin ! Les scélérats, ils sont tellement contrebandiers qu’il leur faut même une musique de contrebande ; mais je leur en ferai voir plus que tous les douaniers du pays. Un instant, — écoutez : — ce n’est pas un violon, vraiment ! — C’est la flûte et le tambour du bâtard Simon de Sowport qui demeure à Hicol-Forest, — mais je lui jouerai un fameux air et le tambourinerai d’importance ! — Que j’aie seulement la main gauche sur sa cravate, et vous verrez ce que saura faire la droite. Avançons, mon