Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 20, 1838.djvu/127

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des paysans par une histoire que je raconte ; et j’en sais de si terribles, qu’elles font trembler les vieilles femmes sur leurs sièges, et sauter les petits enfants à bas de leur lit pour accourir vers leurs mères. Mais celle que je vais vous dire roule sur un fait arrivé dans notre propre maison, du temps de mon père ; c’est-à-dire, quand mon père était encore un jeune gaillard ; et je vous la conte pour qu’elle vous serve de leçon à vous qui n’êtes qu’un enfant, qu’un étourdi, et qui vous attachez aux gens sur une route peu fréquentée : car grandes furent les pertes et les inquiétudes qui en résultèrent pour mon pauvre père. »

Il commença donc son histoire d’une voix distincte et d’un ton convenable à un récit, l’élevant et l’abaissant avec une admirable habileté ; parfois parlant presque tout bas, et tournant vers ma figure ses yeux brillants, mais privés de la vue, comme s’il lui eût été possible de distinguer l’impression que produisait son récit sur mon visage. Je ne vous en ferai pas grâce d’une syllabe, quoiqu’elle soit des plus longues : je tire donc un trait, — et je commence.


Histoire racontée par Willie le voyageur.

Vous devez avoir entendu parler de sir Robert Redgauntlet de Redgauntlet, qui habitait dans ces environs avant les années de disette. Le pays s’en souviendra long-temps, et nos pères osaient à peine respirer quand on prononçait son nom devant eux. Il était avec les montagnards du temps de Montrose, et il se montra encore sur les montagnes de Glencairn en 1632 : aussi, quand le roi Charles II revint, qui fut en faveur comme le laird de Redgauntlet ? Il fut fait chevalier de la cour de Londres avec la propre épée du roi, et devint un des plus enragés de ces coquins d’épiscopaux. Il arriva ici, rugissant comme un lion, avec une commission de lieutenant, ou le diable sait de quoi, pour réduire tous les whigs et tous les convenantaires du pays. C’était une fameuse besogne ; car les whigs étaient aussi braves que les cavaliers étaient fiers, et c’était à qui lasserait l’autre. Redgauntlet se déclarait toujours pour la violence, et son nom n’était pas moins connu dans le pays que ceux de Claverhouse et de Tarn Dalyel. Vallons ni rochers, montagnes ni cavernes, ne pouvaient cacher les pauvres whigs, lorsque Redgauntlet les poursuivait au son du cor et avec sa meute, comme s’ils eussent été autant de daims. Et en vérité, quand il les attrapait, il ne leur faisait pas beau-