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vêtements : un mouchoir de soie propre était bien noué autour de son cou et laissait entrevoir du linge très-blanc ; sa barbe même, au lieu de montrer ces tronçons grisâtres que le rasoir n’a point abattus depuis plusieurs jours, retombait épaisse et soignée sur sa poitrine, à la longueur de six pouces, et se réunissait à ses cheveux qui commençaient seulement à se ressentir de l’atteinte des ans. Pour achever son portrait, le large vêtement que j’ai déjà décrit était serré autour de son corps par une ample ceinture de mode antique, à clous de cuivre, à laquelle étaient suspendus un poignard, et un couteau avec une fourchette qui en sont l’accompagnement ordinaire. En résumé, il y avait dans cet homme quelque chose de bizarre et de romanesque que je ne me serais pas attendu à rencontrer dans un ménétrier de nos jours ; en outre, le coup d’archet, qu’il donnait de temps à autre sur son violon pour conduire le petit chœur, n’était aucunement celui d’un joueur ordinaire.

Vous devez comprendre que la plupart de ces observations furent le fruit de remarques ultérieures ; car à peine m’étais-je assez approché pour distinguer la petite troupe, que le compagnon de mon ami Benjie, le basset qu’il appelle du nom fort convenable de Hemp[1], se mit à remuer la queue et les oreilles, et m’ayant reconnu, il se mit à courir en aboyant comme une furie vers l’endroit où j’avais l’intention de rester caché jusqu’à ce que j^eusse entendu une autre chanson. Je fus donc obligé de me remettre sur mes pieds et d’intimider Hemp, qui autrement m’aurait mordu, en lui appliquant sur le dos deux bons coups qui le renvoyèrent en grognant vers son maître.

Le petit Benjie parut d’abord un peu décontenancé à ma vue ; mais sachant combien il était facile de m’apaiser, et se rappelant que le pauvre Salomon ne m’appartenait pas, il affecta une grande joie de me voir, et presque en même temps il assura le musicien ambulant que j’étais « un grand gentilhomme, que j’avais beaucoup d’argent, et que j’étais extrêmement bon pour les pauvres ; » il m’informa aussi que c’était là « Willie Steenson — Willie le voyageur[2], — le meilleur joueur de violon qui eût jamais raclé des cordes de boyaux avec des crins de cheval. »

La femme se leva et fit une révérence ; Willie le voyageur

  1. Hemp veut dire chanvre. a. m.
  2. Wandering Willie, mots d’une chanson écossaise ; ce Willie était une espèce de barde ou ménestrel errant : Willie est le diminutif de William ou Guillaume. a. m.