Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 20, 1838.djvu/116

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Trois des miens, trois des tiens, et trois de la colline
Qui sur le lac au loin domine,
Arrivés près du bac, tous étaient bien joyeux,
Et tous aussi buvaient au mieux.


Quand le chœur eut cessé, suivirent de longs et bruyants éclats de rire par manière d’applaudissements. Attiré par des sons qui répondaient si bien à l’état actuel de mon esprit, je me dirigeai vers l’endroit d’où ils partaient, — avec précaution pourtant ; car les dunes, comme on me l’avait plus d’une fois donné à entendre, ne jouissaient pas d’une bonne réputation, et les attraits de la musique que je venais d’entendre, sans avoir l’harmonie de celle des sirènes, auraient pu être suivis de conséquences aussi désagréables pour un imprudent amateur.

Je me glissai donc pour ainsi dire, espérant que les inégalités du terrain, rompu qu’il était par des trous et des monticules de sable, me permettraient d’apercevoir les musiciens avant qu’ils pussent me remarquer : tandis que j’avançais, la vieille chansonnette reprit. Les voix semblaient appartenir à un homme et à deux enfants ; elles étaient dures, mais fidèles à la mesure, et conduites avec beaucoup trop d’habileté pour des paysans ordinaires.


Vois le soleil, Jemmy ! — Moi, dit-il, j’en vois deux.
Tom poursuit une vache et la prend pour un lièvre,
Will jette son cheval en un fossé bourbeux,
Pour le guérir, dit-il, d’un mouvement de fièvre.
Jack, croyant avoir vu le guet au bord de l’eau,
Pour fuir plus lestement monte sur un poteau,
Et donne des talons sur la lourde machine.

Tous nos hommes étaient joyeux ;
Tous nos hommes buvaient au mieux :
Trois des miens, trois des tiens et trois de la colline
Qui sur le lac au loin domine.
Arrivés près du bac, tous étaient bien joyeux,
Et tous aussi buvaient au mieux.


Les voix, se mêlant dans leurs différentes parties et se séparant ensuite, s’unissant de nouveau et se quittant encore en suivant l’air du vieux et gai refrain, semblaient sentir un peu l’influence de l’orgie que célébraient les chanteurs, et montraient évidemment que les musiciens étaient engagés dans une aussi joyeuse bombance que les personnages dont parle la chanson. Enfin je pus les apercevoir : ils étaient trois, et assis ou plutôt nichés à leur aise dans ce que vous pourriez appeler en écossais