Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 20, 1838.djvu/102

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dans l’espérance de vaincre ses scrupules à me conter son affaire, et si mes conseils ou mes opinions pouvaient être de la moindre utilité, quoique je ne doive pas dire qu’il faille beaucoup s’y fier, pourtant… »

La dame se leva. « Je suis vraiment sensible à votre bonté, monsieur. Je ne doute pas de vos talents. Je serai franche avec vous. — C’est bien à vous que je voulais rendre visite ; mais je trouve à présent plus convenable de vous faire mes confidences par écrit.

— J’espère, madame, que vous ne serez pas si cruelle, — que vous ne m’infligerez pas le supplice de Tantale. Considérez que vous êtes ma première cliente, — que votre affaire est ma première consultation ; ne m’accablez pas de honte en me retirant votre confiance, parce que je suis de quelques années plus jeune que vous ne sembliez vous y attendre. — Mon attention suppléera à mon manque d’expérience.

— Je ne doute ni de l’un ni de l’autre, » répliqua la dame d’un ton grave, qui avait pour but de réprimer l’air de galanterie avec lequel j’avais tâché de lui parler ; « mais quand vous aurez reçu ma lettre, vous verrez que j’ai de bonnes raisons pour croire qu’il vaut mieux que je m’explique par écrit. Je vous souhaite le bonjour, monsieur. » Et elle quitta l’appartement, laissant le pauvre conseiller tout confondu, saluant, s’inclinant, et la suppliant de lui pardonner tout ce qu’il avait pu dire de désagréable, quoique mes offenses semblent se réduire à ce qu’elle avait reconnu que j’étais plus jeune que mon père.

La porte fut ouverte, — la dame sortit, — remonta le trottoir, enfila la première rue, et mit, je crois, le soleil dans sa poche en tournant le coin subitement ; car la tristesse et l’obscurité tombèrent sur le square, lorsqu’elle ne fut plus visible. Je restai un moment à la fenêtre comme insensible, ne réfléchissant pas quel beau sujet d’amusement je devais avoir procuré à nos curieux amis de l’autre côté de la place. Il me vint alors à l’esprit que je pouvais la suivre, et savoir au moins qui elle était. Je me précipitai dehors, — je montai jusqu’à la rue, et ne l’y apercevant pas, je demandai à un des garçons du teinturier s’il avait vu passer une dame, ou remarqué la direction qu’elle avait prise.

« Une dame ! » — dit le teinturier, en tournant vers moi sa figure ornée de toutes les couleurs de l’arc-en-ciel. « M. Alan, qu’avez vous donc à courir ainsi dehors comme un fou, sans chapeau.