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égard des renseignements aussi certains que je pourrais vous en donner, moi, sur l’impératrice-reine ou sur Frédéric de Prusse. J’ajouterai un aveu sincère, continua-t-elle en souriant et en ouvrant sa boîte pour m’offrir des bonbons : j’ai entendu parler des années qui ont immédiatement suivi notre révolution, qu’il m’arrive parfois de confondre les relations vives et animées qui se sont gravées dans ma mémoire, à force de les avoir entendues, avec les choses dont moi-même j’ai été témoin. Je m’y suis trouvée prise encore hier, en décrivant à lord M*** l’ouverture du dernier parlement d’Écosse[1] qui eut lieu avant l’Union, et en lui donnant des détails aussi minutieux que si j’avais vu cette cérémonie, comme le fit ma mère, du balcon de l’hôtel de lord Moray, dans la Canongate.

— Je suis sûr que votre récit a donné à lord M*** un plaisir extrême.

— Je crois, du moins, qu’il l’a fait rire de bon cœur. Mais c’est vous, perfide séducteur de la jeunesse, qui m’entraînez à commettre ces folies : à l’avenir, je serai en garde contre mes propres faiblesses. J’ignore si l’on pense que le juif errant ait jamais eu une femme, mais je serais désolée qu’une respectable dame écossaise fût soupçonnée d’identité avec cet être surnaturel.

— Malgré tout cela, ma belle cousine, il faut que je vous torture encore un peu par mes questions. Comment, en effet, parviendrai-je jamais à faire de moi un auteur sans votre secours et sans les renseignements intéressants que vous m’avez si souvent donnés sur l’ancien état des mœurs de l’Écosse ?

— Arrêtez ; je ne puis vous permettre de donner à vos recherches un nom aussi vénérable. Le mot ancien ne doit s’appliquer qu’à des événements antédiluviens : or, je ne puis vous répondre à cet égard. Mais vous pouvez m’interroger sur la bataille de Flodden, ou me demander les détails sur Bruce et Wallace, sous prétexte de vouloir satisfaire votre curiosité relativement à nos mœurs : je vous répondrai ; et vous savez que ces souvenirs sont de nature à faire bouillir dans mes veines tout le sang des Baliol.

— Fort bien ; mais, en supposant que nous déterminions notre ère, n’appellerez-vous pas l’avènement de Jaques VI au trône d’Angleterre un événement fort ancien ?

— Moi ? non, cousin, non. Je crois que je pourrais vous dire sur cette époque beaucoup plus de choses que les gens d’aujour-

  1. Avant la réunion de l’Écosse à l’Angleterre. a. m.