Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 2, 1838.djvu/86

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chambranles de la cheminée, soit dans l’embrasure d’une fenêtre, selon la saison, et s’occupait, avec une application extrême et dans un silence de vrai chartreux, d’un morceau de broderie qui était l’emblème assez fidèle de l’éternité.

Mais j’ai négligé dans tout cela de faire connaître mon amie au lecteur, autant, du moins, que les mots peuvent servir à peindre exactement les traits distinctifs de sa personne et de sa conversation.

C’était une petite femme, dont tous les traits étaient ordinaires, ainsi que la taille, et dont les cheveux, dans sa jeunesse, n’avaient jamais eu une couleur bien décidée. Nous pouvons en croire mistress Martha, lorsqu’elle disait que jamais elle n’avait été remarquable par les charmes de sa personne ; aveu plein de franchise et de modestie, que s’empressaient de confirmer certaines vieilles dames de ses contemporaines : et celles-ci, quels qu’eussent été les attraits de leur jeunesse, attraits qu’elles vantaient beaucoup, étaient maintenant, sous le rapport du physique, comme de beaucoup d’autres avantages, bien inférieures à mon aimable amie. Les traits de mistress Martha étaient de nature à se bien conserver ; et cependant ils étaient irréguliers ; mais cette irrégularité n’avait rien de désagréable, animés comme ils l’étaient par la vivacité de sa conversation. Ses dents étaient encore aussi belles que bonnes, et ses yeux, quoique tirant sur le gris, étaient vifs, riants : le temps ne leur avait rien fait perdre de leur éclat. Un teint un peu plus coloré et un peu plus brillant qu’on n’aurait dû l’attendre à son âge, l’exposait souvent, lorsqu’elle se trouvait parmi des étrangers, au soupçon d’avoir pris dans ses voyages l’usage du rouge. Mais c’était une injure ; car, lorsqu’elle écoutait ou racontait une histoire intéressante, et lorsque son cœur était ému, j’ai vu ses couleurs paraître et disparaître comme sur des joues de dix-huit ans.

Ses cheveux, bien qu’autrefois leur nuance n’eût pas été irréprochable peut-être, ses cheveux étaient alors du plus beau blanc que le temps puisse produire. Ils étaient rangés non sans une certaine prétention, quoique avec le plus de simplicité possible, et surtout une propreté extrême, sous un bonnet de dentelle de Flandre d’une mode très-ancienne, mais que je trouvais charmant. Cette coiffure avait sans doute un nom, et je tâcherais de me le rappeler si je croyais qu’il pût ajouter plus de clarté à mon récit. Je pense lui avoir entendu dire que ces bonnets avaient été la