Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 2, 1838.djvu/84

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Flandre, et d’un assortiment de boîtes d’argent, dont le travail répondait en tout à celui du cadre du miroir.

Tout cet appareil n’était cependant qu’une affaire de parade. Mistress Martha Baliol remplissait toujours les devoirs réels de sa toilette dans un petit appartement intérieur qui correspondait à sa chambre à coucher par un escalier dérobé. Il y avait, je crois, plus d’un escalier de ce genre dans la maison, et, par leur moyen, chacun des grands appartements, qui communiquaient tous les uns dans les autres, avait une entrée séparée et indépendante. C’était dans le boudoir que je viens de décrire que mistress Martha recevait sa société intime. Chez elle la division du temps était pour ainsi dire à l’antique mode, et, si vous alliez la voir dans la matinée, vous ne deviez pas vous attendre à ce que cette partie du jour s’étendît au delà de trois ou quatre heures de l’après-midi. Cette habitude imposait quelque gêne aux faiseurs de visites ; mais ils en étaient amplement dédommagés par l’excellente société que l’on trouvait toujours chez elle, et les meilleures nouvelles que la capitale de l’Écosse pût fournir. Sans affecter le moins du monde d’être du nombre des bas-bleus[1] elle aimait la lecture ; les ouvrages nouveaux l’amusaient, et, lorsque les auteurs avaient du mérite, elle se croyait redevable envers eux d’une dette qu’elle se plaisait à acquitter par les politesses et les attentions les plus aimables. Lorsqu’elle donnait à dîner à un petit nombre d’amis, ce qu’elle faisait de temps à autre, elle avait le bon esprit de chercher et le bonheur de découvrir les personnes qui pouvaient se convenir le mieux, et elle choisissait ses convives comme le duc Thésée[2] choisissait ses chiens.

· · · · · · ·Matched in mouth like bells
Each under each.

Assortis en voix comme les cloches d’un carillon et rangés par étages.


De cette manière chacun pouvait faire sa partie dans le concert ; ce qui valait mieux assurément que de voir un gaillard à la voix de Stentor, comme le docteur Johnson, imposer silence à tous ceux qui l’entouraient, par le diapason terrible de sa voix. Dans ces occasions, la table de mistress Martha offrait une chère exquise, et, de temps à autre, on voyait paraître quelque ragoût à

  1. Femmes savantes ou beaux esprits. a. m.
  2. Thésée, duc d’Athènes, personnage du Songe d’une nuit d’été de Shakspeare, acte IV, scène i. a. m.