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autre sujet hors de cause. Des véritables châles de l’Inde, elle fit une digression sur les châles imités qu’on fabrique maintenant à Paisley avec la laine réelle du Thibet, et qu’on ne peut distinguer des vrais cachemires indiens, qu’à l’absence de certains points inimitables croisés dans la bordure. « Il est heureux, » dit la vieille dame en s’enveloppant dans un riche cachemire, « qu’il y ait moyen de distinguer une chose qui coûte 50 guinées de celle qui n’en vaut que 5 ; mais j’ose affirmer qu’il n’est pas une personne sur dix mille qui puisse voir en quoi consiste la différence. »

La politesse de plusieurs belles dames voulut ramener la conversation sur le sujet alors oublié de la réunion. « Comment avez-vous pu, monsieur Croftangry, recueillir tous ces mots si durs de la langue qu’on parle aux Indes ?… Vous n’y êtes jamais allé. — Non, madame, je n’ai pas eu cet avantage ; mais, comme les fabricants imitateurs de Paisley, j’ai composé mon châle en incorporant dans le tissu un peu de laine du Thibet, que mon excellent ami et voisin, le colonel Mac Kerris, un des meilleurs garçons qui traversèrent jamais un marécage dans nos montagnes ou parcoururent une jungle indienne, a eu la bonté de me fournir. »

Tout bien calculé, cette répétition, quoiqu’elle ne fût pas absolument de mon goût, m’a, en quelque sorte, préparé au jugement moins indulgent du public. C’est ainsi qu’un homme doit apprendre à parer un coup de fleuret avant d’affronter une épée ; et, pour reprendre ma première comparaison, un cheval doit être accoutumé à l’exercice à feu avant d’être conduit contre les balles. Eh bien, la philosophie du caporal Nym n’est pas la pire qu’on ait prêchée, « ça ira comme ça pourra. » Si le fruit de mes veilles fait plaisir au public, je pourrai bien réclamer encore l’attention de l’indulgent lecteur : sinon, ici finissent les Chroniques de la Canongate.


FIN DES CHRONIQUES DE LA CANONGATE.



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