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À midi précis, des coups de canon tirés dans les cours extérieures, ainsi qu’une décharge de mousquets et de petites pièces d’artillerie portées par des chameaux, qui secouaient leurs longues oreilles à chaque décharge, annoncèrent que Tippoo venait de monter sur un éléphant. Le son grave et solennel du naggra, ou tambour des cérémonies, placé sur un éléphant, se fit alors entendre, comme une salve lointaine d’artillerie que suivrait le roulement prolongé d’une mousquetade, et à ce tapage répondirent de nombreuses trompettes et de nombreux tamtams ou tambours ordinaires, produisant une harmonie discordante, mais guerrière. Le bruit augmenta d’instants en instants, tandis que le cortège parcourut successivement les cours extérieures du palais, et défila enfin par les portes. En tête marchaient les chobdards, portant des baguettes et des masses d’argent, et proclamant en criant de toute la force de leurs poumons les titres et les vertus de Tippoo le grand, le généreux, l’invincible… fort comme Rustan, juste comme Noushirvan… avec une courte prière pour la continuation de sa santé.

Amenait ensuite une troupe confuse d’hommes à pieds portant javelines, mousquets et bannières, à laquelle s’étaient réunis des cavaliers revêtus, les uns de cottes de mailles, avec des casques d’acier sous leurs turbans, les autres, d’une espèce particulière d’arme défensive : elle consistait en riches vêtements de soie qui, rembourrés de coton, étaient ainsi à l’épreuve du sabre. Ces champions précédaient le prince, auquel ils servaient de gardes du corps. Ce ne fut que bien long-temps après que Tippoo leva son célèbre régiment du Tigre, discipliné et armé à la manière européenne. Immédiatement devant le prince venait, sur un petit éléphant, un homme à visage dur, à mine sévère, distributeur officiel des aumônes, et remplissant alors sa charge, en faisant pleuvoir de petites monnaies de cuivre sur les fakirs et les mendiants, qui, en luttant pour ramasser ces pièces, les faisaient paraître plus nombreuses. Cet agent de la charité mahométane, avec son visage repoussant, et son éléphant, qui marchait les yeux à demi courroucés et la trompe levée en l’air, semblait prêt à seconder les intentions du maître, et paraissait tout disposé à châtier ceux que la pauvreté rendrait trop importuns.

Arrivait ensuite Tippoo lui-même, richement costumé et assis sur un éléphant qui, levant la tête par-dessus tous ceux qui formaient le cortège, semblait être fier et comprendre sa dignité