Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 2, 1838.djvu/358

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Hartley, solitaire et chagrin, resta à se promener à l’ombre de deux ou trois mangoustiers qui ondoyaient les bannières au-dessus du camp de la bégum, et à songer avec amertume qu’au milieu de ces insignes du mahométisme était retenue Menie Grey, destinée, par un amant vil et parjure, à devenir la malheureuse esclave d’un sectateur de Mahomet. L’idée de se voir si près d’elle ajoutait encore à la douleur avec laquelle Hartley, en contemplant sa triste position, réfléchissait au peu de chances qu’il semblait avoir de parvenir à la sauver par la seule force de la raison et de la justice ; car c’était là tout ce qu’il pouvait opposer aux passions égoïstes d’un voluptueux tyran. Un amateur du romanesque aurait avisé au moyen d’effectuer sa délivrance par force ou par ruse ; mais Hartley, quoique homme de courage, n’avait point de goût pour les aventures, et aurait regardé comme désespérée une entreprise de ce genre.

Son seul rayon d’espérance lui vint de l’impression qu’il avait paru faire sur le vieux fakir ; car il lui était impossible de ne pas se flatter qu’il en recevrait assistance. Mais une chose à laquelle il était fermement résolu, c’était de ne point abandonner la cause qu’il avait commencé de défendre, tant qu’il lui resterait la moindre lueur d’espoir. Il avait vu, dans l’exercice de sa profession, la vie paraître et briller tout à coup dans les yeux du malade, alors même qu’ils semblaient être ternis par la main de la mort ; et il avait appris à ne pas perdre confiance au milieu des souffrances morales, par les succès obtenus contre celles qui n’étaient que physiques.

Pendant que Hartley méditait ainsi, il fut tiré de ses réflexions par une bruyante décharge d’artillerie partie du haut des bastions de la ville. Tournant les yeux dans cette direction, il aperçut, vers le nord de Bangalore, des flots de cavaliers accourant en désordre, brandissant leurs javelines de mille manières différentes, et pressant toujours leurs coursiers qui allaient déjà au grand galop. Les nuages de poussière qui accompagnaient l’avant-garde (car c’était l’avant-garde seule) joints à la fumée des canons, ne permirent point à Hartley de distinguer le corps principal qui suivait ; mais les éléphants équipés et les bannières royales, qu’on apercevait de temps à autre au milieu de cette espèce de brouillard, annonçaient évidemment le retour de Tippoo à Bangalore, tandis que des acclamations et des décharges irrégulières de mousqueterie indiquaient la joie réelle ou supposée des habitants. Les portes de la