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plus qu’un chapelet de perles pour un souverain… J’ai parlé.

— Bismallah !… louanges à Dieu ! il a parlé comme un mullah, » dit le vieux fakir avec un peu plus d’émotion, et en tournant un peu d’avantage la tête vers Barak ; car, pour Hartley, c’est à peine s’il daignait même le voir.

« Les lèvres de cet homme ont proféré ce qui ne saurait être mensonge, répliqua Barak, et il y eut un nouvel intervalle de silence.

Il fut de nouveau rompu par Scheik-Hali qui, s’adressant directement à Hartley, lui demanda : « As-tu ouï parler, Féringi, de quelque trahison méditée par ce kafr[1] contre le nabab Behauder ?

— D’un traître vient toujours trahison, répondit Hartley ; mais, pour parler d’après ma propre connaissance, j’ignore absolument un pareil complot.

— Il y a vérité dans les paroles de celui-là, dit le fakir, qui n’accuse son ennemi que d’après sa connaissance. Les choses que tu as dites seront rapportées au nabab, et comme Allah et lui voudront, ainsi il en adviendra. En attendant, retourne à ton khan, et prépare-toi à accompagner le vakeel de ton gouvernement, qui doit partir au point du jour pour Bangalore, la forte, l’heureuse, la sainte cité. Que la paix soit avec toi… N’est-ce pas cela, mon fils ?

Barak, à qui cet appel était adressé, répliqua : « Comme mon père a parlé.

Hartley n’avait pas d’autre alternative que de se lever et prendre congé des saints personnages avec la phrase d’usage : « Salam, la paix de Dieu soit avec vous ! »

Son jeune guide, qui l’attendait en dehors de la cellule, le reconduisit à son khan par des chemins détournés, où il n’aurait jamais pu retrouver sa route sans conducteur. Ses pensées, tandis qu’il marchait, n’étaient occupées que de sa dernière entrevue. Il savait qu’il ne fallait pas donner confiance absolue à des religieux musulmans. Toute la scène qui venait de se passer pouvait avoir été imaginée par Barak pour s’épargner la peine de servir un Européen dans une affaire aussi délicate ; et il résolut de régler sa conduite d’après les événements qui sembleraient confirmer ou contredire ce qu’il savait déjà.

À son arrivée au khan, il trouva le vakeel du gouvernement britannique fort affairé, et se préparant à obéir aux ordres que

  1. Kafr, c’est-à-dire, infidèle. a. m.