Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 2, 1838.djvu/348

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nent leur source dans le centre de la péninsule de l’Inde, se frayent un chemin vers l’Océan.

Le soleil était couché avant que la troupe arrivât à l’entrée d’un de ces périlleux passages à l’extrémité duquel passait la route de Seringapatam. Un étroit sentier, qui ressemblait au lit desséché d’un torrent, et montait en serpentant à travers d’immenses rochers et d’effrayants précipices, était tantôt ombragé par de sombres bouquets d’arbres à thé, et tantôt passait au milieu de jungles[1] impénétrables, repaire des chacals et des tigres.

Occupés à gravir ce sentier difficile, les voyageurs poursuivaient leur route en silence. Hartley, qui, dans son impatience, marchait devant le vakeel, demanda avec vivacité quand la lune viendrait dissiper l’obscurité qui, depuis le coucher du soleil, tombait rapidement autour d’eux. Les naturels du pays lui répondirent, suivant leur expression habituelle, que la lune était « de son côté noir, » et qu’il ne devait pas s’attendre à la voir crever un nuage pour éclairer les buissons, les groupes de rochers sombres et les couches d’ardoises à travers lesquels ils tournaient. Pour toute ressource Hartley n’eut donc qu’à tenir les yeux constamment fixés sur la mèche allumée du sowar ou cavalier qui marchait devant la caravane, mèche que, pour de bonnes raisons, on tenait toujours prête à enflammer l’amorce d’une carabine. Le sowar, de son côté, ne perdait pas de vue le dowrah, guide qu’on avait pris au dernier village, et qui, se trouvant déjà assez éloigné de sa propre maison, pouvait être fortement soupçonné de songer à s’épargner la peine d’aller plus loin. Le dowrah[2], n’oubliant pas qu’il y avait une mèche allumée et une carabine chargée derrière lui, criait de temps en temps, pour montrer qu’il était à son poste, et accélérer la marche des voyageurs. Par intervalle on répondait à ses cris par l’exclamation de Ullah ! que poussaient les soldats noirs qui fermaient la marche, songeant soit à leurs anciennes aventures, telles que le pillage d’un kaflila, ou troupe de mar-

  1. Terrains marécageux garnis de joncs, de roseaux et de hautes broussailles, ou se cachent les animaux féroces. a. m.
  2. Dans chaque village le dowrah, ou guide, est un personnage officiel, salarié par la commune, et recevant une partie de la récolte ou un équivalent, de même que le forgeron, le balayeur et le barbier. Comme il ne peut rien exiger des voyageurs qu’il est chargé de conduire, il ne se fait jamais de scrupule d’abréger son voyage et d’allonger le leur en les menant au plus proche village, sans s’inquiéter de suivre la ligne de roule la plus directe, et, parfois il les abandonne tout à fait. Si le dowrah en titre est malade ou absent, aucune somme ne pourrait lui trouver un substitut. a. m.