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Comme il se retirait, brûlant d’une colère impuissante, la première personne que le hasard lui fit rencontrer, fut Esdale, et ne pouvant contenir son impatience, il lui communiqua ce qu’il appelait l’infâme conduite de l’intendant du gouverneur, qui était, comme il avait bonne raison de le supposer, de connivence avec le gouverneur lui-même. Il se récria contre le peu de générosité qui leur faisait abandonner une sujette de la Grande-Bretagne à la perfidie de deux renégats et à la violence d’un tyran.

Esdale écouta avec cette espèce d’inquiétude que laissent voir des hommes prudents lorsqu’ils pensent qu’ils pourraient être mis eux-mêmes dans l’embarras par les discours d’un imprudent ami.

« Si vous désirez obtenir personnellement justice dans cette affaire, dit-il enfin, il faut vous adresser à Leadenhall Street, où je soupçonne… soit dit entre nous… que les plaintes s’accumulent autant contre Paupiah que contre son maître.

— Je ne m’inquiète ni de l’un ni de l’autre, répondit Hartley ; je n’ai pas besoin de réparation personnelle… je n’en désire aucune… Il faut seulement que je secoure Menie Grey.

— En ce cas, dit Esdale, vous n’avez qu’une seule ressource… Il faut vous adresser à Hyder lui-même…

— À Hyder !… À l’usurpateur… au tyran !

— Oui, c’est à l’usurpateur et au tyran, qu’il faut porter plainte ; il faut bien vous en contenter. Il met son orgueil à passer pour rendre strictement la justice ; et peut-être cette fois, comme en beaucoup d’autres occasions, voudra-t-il se montrer juge impartial.

— Alors, je m’en vais demander justice au pied de son tribunal.

— N’allez pas si vite, mon cher Hartley, répliqua son ami ; considérez d’abord les risques. Hyder est juste par calcul, et peut-être par politique ; mais, par tempérament, son sang est aussi bouillant que sang qui jamais coula sous une peau noire ; et, si vous ne le trouvez pas disposé à juger, il est assez probable qu’il sera disposé à tuer. Poteaux et cordes sont aussi fréquemment dans sa tête que le nivellement des balances de la justice.

— N’importe… Je vais à l’instant me présenter devant son durbar[1]. Le gouverneur ne peut, sans infamie, me refuser des lettres de créances.

— Ne songez pas à en demander ; il en coûterait peu à Paupiah de les tourner de manière à donner à Hyder l’envie de débarrasser à tout jamais notre noir dubash du docteur Adam Hartley au

  1. Conseil de Hyder-Ali. a. m.