Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 2, 1838.djvu/337

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confiée aux soins d’une personne honorable, je quitterai Madras pour n’y revenir que lorsque votre sort sera, d’une manière ou d’autre, irrévocablement fixé.

— Non, Hartley, dit miss Grey ; l’amitié peut et doit même vous dicter le conseil que vous me donnez ; mais il y aurait bassesse de ma part à n’arranger mes propres affaires qu’aux dépens de vos intérêts. D’ailleurs n’aurais-je pas l’air d’attendre les événements, avec l’intention de partager la fortune du pauvre Middlemas, si elle lui devenait favorable, et de ne plus songer à lui, si elle lui était contraire ? Dites-moi seulement si, d’après vos renseignements particuliers et positifs, vous pouvez attester que vous considérez cette femme comme une protectrice indigne et peu convenable pour une jeune personne telle que moi ? »

— D’après ma connaissance personnelle, je ne puis rien dire ; mais je dois avouer que les bruits qui courent sur le compte de mistress Montreville diffèrent essentiellement. Le simple soupçon…

— Le simple soupçon, M. Hartley, ne doit avoir aucun poids sur moi, attendu que je puis y opposer le témoignage de l’homme dont je suis disposée à partager le sort, quel qu’il soit. Vous reconnaissez que la question est douteuse : l’assertion de celui dont j’ai si haute opinion ne doit-elle pas décider dans une affaire où il y a doute ? Que serait-il en effet si cette madame MontreviUe n’est pas telle qu’il me l’a représentée ?

— Oui, que serait-il » ? pensa intérieurement Hartley ; mais ses lèvres n’énoncèrent pas sa pensée. Il tomba dans une profonde rêverie, et en sortit enfin quand il entendit Menie Grey prononcer les paroles suivantes :

« Il est temps de vous rappeler, M. Hartley, qu’il faut nous quitter. Dieu vous bénisse ! Dieu vous garde !

— Et vous, très chère Menie, » s’écria Hartley, posant un genou en terre et pressant contre ses lèvres la main qu’elle lui présenta, « Dieu vous bénisse… car vous méritez sa bénédiction. Dieu vous protège… car vous avez bien besoin de ses secours… Oh ! si la réalité allait ne point répondre à vos espérances, faites-moi avertir sur-le-champ, et si homme peut vous aider, Adam Hartley vous aidera ! »

Il lui glissa dans la main une carte sur laquelle était son adresse, puis se précipita hors de l’appartement. Dans le vestibule, il rencontra la dame de la maison, qui le salua d’un air hautain en signe d’adieu, tandis qu’un naturel du pays, domestique de première