Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 2, 1838.djvu/336

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cette dame… Qu’avais-je à faire ? Les devoirs qui me retenaient près de mon pauvre père n’existaient plus, et mes autres amis considéraient la proposition comme trop avantageuse pour être rejetée. Le nom des personnes à qui l’on m’adressait, et l’argent qui était envoyé, parurent devoir lever toute espèce de scrupules ; et ma protectrice immédiate, ma parente, voulant me forcer d’accepter l’offre qui m’était faite, me déclara qu’elle ne m’encouragerait point à me guider d’après mes propres lumières, en continuant à me donner le couvert et la nourriture (car elle ne me donnait presque rien de plus), si j’étais assez folle pour refuser mon consentement.

— La misérable ! l’avare ! s’écria Hartley, combien elle méritait peu qu’on lui confiât un pareil trésor !

— Qu’il me soit permis de vous dire toute ma pensée, monsieur Hartley, et alors vous ne blâmerez peut-être plus tant ma parente. Tous ses conseils et même toutes ses menaces n’auraient pu me déterminer à faire une démarche à laquelle, en apparence du moins, j’avais peine à me résoudre ; mais j’avais aimé Middlemas… je l’aime encore… pourquoi le nierais-je ? Et je n’ai point hésité à me fier à lui. Sans la voix de ma conscience, qui me rappelait encore mes engagements, j’aurais maintenu la fierté de mon sexe ; et, comme vous me l’auriez peut-être conseillé, j’aurais du moins attendu que mon amant vînt lui-même en Angleterre ; j’eusse pu avoir la vanité de penser, » ajouta-t-elle en souriant un peu, « que si je valais la peine d’être possédée, je valais celle qu’on vînt me chercher.

— À présent, encore… même à présent, répliqua Hartley, soyez juste envers vous-même, en même temps que vous êtes généreuse envers votre amant… Ne vous fâchez point, mais écoutez-moi. Je doute qu’il soit convenable que vous restiez sous la protection de cette femme qui a oublié son sexe, et qui ne doit pas désormais porter le nom d’Européenne. J’ai assez de crédit auprès des femmes du plus haut rang dans cette ville… Cette contrée est celle de la générosité et de l’hospitalité… Il n’est pas une seule d’elles qui, connaissant votre qualité et votre histoire, ne s’empresse de vous recevoir dans sa maison, jusqu’à ce que votre amant soit à même de revendiquer à la face du monde ses droits à votre main. Je ne serai point moi-même une cause de soupçon pour lui, ni de désagrément pour vous, Menie. Veuillez seulement consentir à l’arrangement que je propose ; et, dès l’instant que je vous verrai