Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 2, 1838.djvu/334

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qu’un, je m’y fie entièrement. Vous avez deviné juste, monsieur Hartley, ajouta-t-elle en rougissant beaucoup… Je suis venue ici pour unir ma destinée à celle de votre ancien camarade.

— Ce que je croyais est donc arrivé ! s’écria Hartley.

— Et pourquoi M. Hartley craignait-il ? J’étais habituée à le croire très généreux… Sûrement la querelle qui eut lieu, il y a tant d’années, ne doit pas perpétuer en vous le soupçon et le ressentiment.

— Du moins si le ressentiment demeurait encore dans mon cœur, vous seriez la dernière à vous en apercevoir, miss Grey ; mais c’est pour vous, pour vous seule que je suis inquiet. Cet homme… cet individu dont vous allez faire dépendre votre bonheur… savez-vous où il est, et au service de qui ?

— Je sais l’un et l’autre plus positivement peut-être que M. Hartley ne peut le savoir. M. Middlemas a commis de grandes fautes, et il a été sévèrement puni. Mais ce n’était pas au temps de son exil et de son affliction que celle qui lui a engagé sa foi devait lui tourner le dos, comme les flatteurs dans le monde. D’ailleurs, vous n’avez sans doute pas entendu parler des espérances qu’il a d’être rendu à son pays et de recouvrer son rang ?

— Si vraiment, » répondit Hartley perdant patience ; « mais je ne vois pas comment il peut mériter cette faveur, autrement qu’en trahissant son nouveau maître, et en se rendant par là encore plus indigne de confiance qu’il ne me semble l’être en ce moment.

— Il est heureux qu’il ne vous entende pas, reprit Menie Grey blessée, par un sentiment bien naturel, de l’accusation portée contre son amant. Puis, reprenant aussitôt un ton plus doux elle ajouta : « Ma voix ne doit pas vous aigrir, mais elle doit plutôt vous apaiser. Monsieur Hartley, je vous déclare, sur ma parole, que vous faites injure à Richard. »

Elle prononça ces derniers mots avec un calme affecté, cachant toute apparence de ce déplaisir qu’elle ressentait évidemment lorsqu’elle entendait parler mal de celui qu’elle aimait.

Hartley s’efforça de répondre sur le même ton.

« Miss Grey, dit-il, vos actions et vos motifs seront toujours dignes d’un ange ; mais permettez que je vous supplie d’examiner cette très importante affaire avec les yeux de la sagesse et de la prudence du monde. Avez-vous bien pesé les risques qui accompagnent la conduite que vous tenez à l’égard d’un homme qui…