Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 2, 1838.djvu/328

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ment était-il possible que la douce et simple Menie Grey se trouvât à la suite d’une telle aventurière ?

« Mais Butler ne vous a point conté le meilleur, » dit le major qui survint en ce moment pour finir sa propre narration. « Votre ancienne connaissance, M. Tresham, ou M. Middlemas, ou tel autre nom qu’il lui plaise de prendre, a joui de l’honneur, si l’on en croit la renommée, d’être fort bien dans les bonnes grâces de cette Boadicée. Très-certainement, il a commandé quelques troupes qu’elle tient encore sur pied, et s’est battu à leur tête au service du nabab qui avait l’adresse de l’employer à toute besogne capable de le rendre odieux à ses compatriotes. Les prisonniers anglais étaient confiés à sa garde, et à en juger par ce que j’ai souffert moi-même, le diable pourrait recevoir de lui des leçons de sévérité.

— Était-il attaché à cette femme ? était-il lié avec elle ?

— C’est ce que nous disait mistress Renommée dans notre donjon. Le pauvre Jack Ward reçut la bastonnade pour avoir célébré leur mérite en faisant la parodie de cette chanson qu’on a chantée partout :

Jamais couple mieux assorti
De la nature n’est sorti…

Hartley ne put en écouter davantage. Le sort de Menie Grey, vivant avec un tel homme et une telle femme, se présentait à son imagination sous les plus horribles couleurs, et il tâchait de sortir de la foule pour se réfugier en un lieu où il pût recueillir ses idées et voir ce qu’il pourrait faire pour la protéger, quand un domestique noir lui toucha le bras, et en même temps lui glissa une carte dans la main. Elle portait : « Miss Grey, chez mistress Montreville, à la maison de Ram-Sing-Cottah, dans la ville noire. » Sur l’envers était écrit au crayon : « Huit heures du matin. »

Cet avis du lieu de sa demeure impliquait naturellement une permission, même une invitation de la visiter à l’heure marquée. Le cœur d’Hartley battit à l’idée de la revoir encore une fois, et bien plus vivement à celle de pouvoir la servir. Du moins, pensait-il, si elle est environnée de périls, comme on doit le soupçonner, elle ne manquera ni de conseils, ni, au besoin, de protection. Mais en même temps, il sentit la nécessité d’obtenir des détails plus positifs sur sa situation, et sur les personnes avec qui elle paraissait liée. Butler et Mercer avaient parlé tous les deux à son extrême désavantage, mais Butler était un fat, et Mercer un vieux