Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 2, 1838.djvu/326

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contrer sous un tel patronage, augmentait beaucoup encore sa surprise. S’avancer vers elle et lui parler était le moyen le plus naturel et le plus court d’apaiser les émotions diverses que sa présence excitait en lui.

Son impétuosité se ralentit pourtant, lorsqu’en s’approchant de miss Grey et de sa compagne, il observa que la première, bien qu’elle le regardât, ne témoignait par aucun signe qu’elle le reconnaissait, à moins qu’il n’interprétât comme tel le geste qu’elle fit en touchant légèrement sa lèvre supérieure avec son index, ce qui pouvait signifier, si c’était autre chose qu’un pur accident : Ne me parlez pas maintenant. Hartley adoptant cette interprétation, demeura immobile et rougit vivement ; car il sentait qu’il faisait en ce moment une étrange figure.

Il en fut mieux convaincu, quand, d’une voix qui par sa force répondait fort bien à son air impérieux, mistress Montreville lui adressa la parole dans un anglais qui sentait passablement le patois suisse, pour lui dire : « Vous êtes venu bien vite à nous, monsieur, pour ne nous rien dire du tout. Êtes-vous sûr qu’on ne vous ait point volé la langue en route.

— J’avais cru voir une ancienne amie dans cette demoiselle, madame, balbutia Hartley, mais il paraît que je me suis trompé.

— Ces bonnes gens me disent que vous êtes le docteur Hartley monsieur ; mais, mon amie et moi, nous ne connaissons absolument aucun docteur Hartley.

— Je ne suis pas assez présomptueux pour prétendre être connu de vous, madame ; mais… »

Ici, Menie répéta son geste de telle manière que, bien qu’il fût très-rapide, Hartley ne put douter de sa signification ; il changea donc la fin de sa phrase, et dit : « Mais je n’ai plus qu’à vous saluer, et à vous demander pardon de ma méprise. »

Il se retira donc et se mêla au reste de la société, ne pouvant se déterminer à quitter la chambre, et adressant à ceux qu’il regardait comme les meilleurs marchands de nouvelles et les mieux fournis en détails de ce genre, des questions comme celle-ci : « Quelle est cette femme qui se donne de si grands airs, monsieur Butler ?

— Oh ! la reine de Saba, à coup sûr.

— Et quelle est cette jolie fille qui est assise à côté d’elle ?

— Ou plutôt derrière elle, répondit Butler, chapelain d’un régiment ; « ma foi ! je ne saurais vous le dire… Elle est jolie, dites-