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heureux amour, non dans le besoin, mais dans l’éloignement et l’obscurité. Zilia pensait bien autrement. Son cœur lui parlait, comme il parle toujours à une mère, en faveur du premier objet de sa tendresse maternelle, mais elle n’osait pas se mettre à la fois en opposition avec la volonté de son père et la décision de son mari. Le premier, dont les préjugés religieux s’étaient beaucoup effacés par sa longue résidence en Angleterre, avait consenti à ce qu’elle embrassât la religion de son époux ; le second, fier comme nous l’avons représenté, mit son orgueil à introduire la belle convertie dans sa noble famille. La découverte de son ancienne faiblesse aurait porté un rude coup à sa réputation, et son mari le redoutait plus que la mort. D’ailleurs Zilia ne put ignorer longtemps que, par suite d’une grave maladie que Witherington avait faite dans l’Inde, sa raison se troublait parfois, lorsqu’un événement venait lui occasionner une agitation violente. Elle s’était donc résignée avec courage, et sans se plaindre, aux arrangements qu’avait demandés Monçada, et que son époux avait vivement approuvés. Néanmoins ses pensées, même après que le mariage leur eut donné d’autres enfants, se reportaient avec inquiétude sur le fils banni qu’elle avait tenu le premier sur son sein maternel.

Ces pensées, long-temps contenues, se réveillèrent avec une nouvelle force par l’apparition inattendue de ce fils, arraché à un état de complète misère, et placé devant l’imagination de sa mère dans des circonstances si désastreuses.

C’était en vain que le général avait juré à sa femme qu’il assurerait le bonheur du jeune homme par sa fortune et son crédit ; elle ne pouvait être satisfaite avant d’avoir elle-même fait quelque chose pour adoucir le bannissement auquel son fils aîné se trouvait condamné. Elle désirait d’autant plus vivement accomplir ce dessein, qu’elle connaissait l’extrême délicatesse de sa santé, qu’avaient minée tant d’années de souffrances secrètes.

Mistress Witherington, pour mettre à effet sa générosité maternelle, fut naturellement conduite à employer l’intermédiaire d’Hartley, compagnon de son fils, homme qu’elle regardait comme une divinité, depuis la guérison de ses plus jeunes enfants. Elle remit donc entre ses mains une somme de deux mille livres sterling, dont elle pouvait disposer absolument à son gré, en le priant, dans les termes les plus passionnés et les plus tendres, d’employer cet argent au service de Richard Middlemas de la manière qu’Hart-