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ce fut la perte de la jeune fille. Néanmoins, l’amant avait la ferme intention de réparer le tort qu’il avait fait, et après divers plans de mariage secret que la différence de religion rendait tous inexécutables, ils résolurent de s’enfuir en Écosse. La précipitation du voyage, la crainte et l’inquiétude auxquelles Zilia était en proie, avancèrent pour elle de quelques semaines l’époque ordinaire des couches, de sorte qu’ils furent forcés de réclamer et les soins et la maison de M. Grey. Ils y avaient à peine passé quelques heures, lorsque Tresham apprit par l’intermédiaire d’un ami adroit et intelligent que des mandats d’arrêt étaient lancés contre lui pour crime de haute trahison. Sa correspondance avec Charles-Édouard avait été connue de Monçada, à l’époque de leur amitié. Par vengeance, il en instruisit le cabinet britannique, et des mandats furent décernés, sur lesquels, à la requête de Monçada, on ajouta le nom de sa fille. Il croyait que cette mesure pouvait lui être utile pour parvenir à séparer sa fille de Tresham, s’il retrouvait les fugitifs réellement mariés. Le lecteur connaît déjà la manière dont il réussit, et les précautions qu’il prit pour empêcher que la preuve vivante de la faiblesse de sa fille n’eût jamais une existence avouée. Il emmena Zilia avec lui et la condamna à une retraite sévère que les réflexions de celle-ci rendaient doublement pénible… La vengeance du juif aurait été complète, si l’auteur des infortunes de sa fille fût monté sur l’échafaud pour délits politiques. Mais Tresham se réfugia chez des amis dans les montagnes, et s’y cacha jusqu’à ce que l’affaire fût assoupie.

Il entra ensuite au service de la compagnie des Indes orientales, sous le nom de sa mère, Witherington, qui protégea le jacobite et le rebelle jusqu’à ce que le sens de ces mots fût oublié. Son habileté militaire l’eut bientôt rendu riche et célèbre. Lorsqu’il revint en Angleterre, son premier soin fut de s’informer de la famille de Monçada. La réputation de Witherington, ses richesses, la conviction certaine acquise par le vieux juif que sa fille n’épouserait jamais que l’homme qui avait eu son premier amour, décidèrent le vieillard à donner au général un consentement qu’il avait toujours refusé au major Tresham, pauvre et proscrit ; et les amants, après quatorze années de séparation, furent enfin unis par un mariage.

Le général Witherington accéda très-volontiers au vif désir de son beau-père, que tout souvenir des événements passés fût enseveli dans l’oubli, et qu’on laissât le fruit de leur coupable et mal-