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— Oui, vraiment ! » dit Richard avec un sourire amer, « il serait difficile à bien des gens de ne pas sortir de leur caractère, après avoir gagné et perdu un père, une mère et un bon héritage, le tout dans le même jour ; mais j’ai toujours eu une dose de philosophie.

— Je ne vous comprends pas, en vérité, M. Middlemas.

— Eh bien ! j’ai retrouvé hier les auteurs de mes jours, n’est-ce pas ? répartit le jeune homme. Ma mère, comme vous savez, n’a attendu que ce moment pour mourir, et mon père pour perdre la tête ; et j’en conclus que tous deux avaient imaginé ce stratagème pour me leurrer de mon héritage.

— De votre héritage ! » répéta Hartley, indigné du calme de Richard, et commençant à croire que la folie du père était devenue héréditaire dans la famille. « Au nom du ciel ! remettez-vous, et guérissez votre esprit de ces illusions. À quel héritage rêvez-vous ?

— À celui de ma mère, qui doit avoir hérité des richesses du vieux Monçada… Et à qui pourrait-il revenir, si ce n’est à ses enfants ?… J’en suis l’aîné… ce fait ne peut être nié.

— Mais considérez, Richard… songez à ce que vous êtes.

— J’y songe, en bien ! après ?

— Après ?… Vous ne pouvez oublier qu’à moins d’une disposition testamentaire en votre faveur, votre naissance vous empêche d’hériter.

— Vous êtes dans l’erreur, monsieur, je suis un enfant légitime ; ces bambins maladifs que vous avez sauvés du tombeau ne sont pas plus légitimes que moi… Oui, nos parents osaient à peine leur donner l’air du ciel à respirer… et moi, ils me confiaient aux vents et aux vagues… Je suis néanmoins leur fils aux yeux de la loi, aussi bien que ces faibles rejetons d’un âge avancé et d’une santé chancelante. Je les ai vus, Adam… Winter m’a fait passer dans leur chambre, pendant que nos parents recueillaient tout leur courage pour me recevoir dans le grand salon. Là étaient couchés ces enfants de prédilection, au milieu des richesses de l’Orient, prodiguées pour que leur sommeil fût doux, pour qu’ils s’éveillassent dans la magnificence. Moi… leur frère aîné… moi, héritier… je me tenais debout près de leurs lits, couvert d’habits empruntés, que j’avais depuis si peu de temps échangés contre les haillons d’un hôpital. Leurs couches exhalaient les plus riches parfums, tandis que moi, je sentais encore le lazaret empesté d’où