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CHAPITRE IX.

la mère.


Dans la soirée qui précéda le jour où il devait se rendre aux Dunes pour s’embarquer sur le Middlesex, déjà prêt à lever l’ancre, le nouveau lieutenant fut invité par Winter à le suivre à l’habitation du général, pour être présenté à son protecteur, le remercier et lui faire ses adieux. Chemin faisant, le vieux, domestique prit la liberté de faire la leçon au jeune homme, concernant le respect qu’on devait témoigner au général ; « car son maître, disait-il, quoique aussi bon et aussi généreux qu’aucun homme du Northumberland, était extrêmement rigide sur l’étiquette. »

Pendant qu’ils se dirigeaient vers la maison, le général et sa femme attendaient leur arrivée avec une inquiétude qui leur permettait à peine de respirer. Ils se tenaient dans un superbe appartement de réception ; le général, assis derrière un immense candélabre qui, garni d’un abat-jour du côté de sa figure, jetait toute la lumière vers l’autre partie de la table, de manière qu’il pouvait observer toute personne qui s’y placerait, sans devenir lui-même un sujet d’observation. Sur un monceau de coussins, enveloppée d’un cachemire, luxe alors nouveau en Europe, et voilée d’une brillante draperie de mousseline brodée d’or et d’argent, son épouse était à demi couchée. C’était une femme qui, sans être encore dans tout l’éclat de la beauté, conservait assez de charmes pour être distinguée comme une très-belle personne, même à cette heure où son esprit paraissait agité par la plus profonde émotion.

« Zilia, lui dit le général, vous êtes incapable d’exécuter ce que vous avez entrepris… suivez mon conseil… retirez-vous… quoi qu’il arrive, vous saurez tout, absolument tout… mais retirez-vous. À quoi bon tenir ainsi au désir imprudent de contempler, pendant quelques minutes, un être que vous ne pouvez jamais revoir ?

— Hélas ! répondit la dame, quand vous me déclarez que je ne le reverrai jamais, n’est-ce pas une raison suffisante pour que je