Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 2, 1838.djvu/287

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chrétien. Le moyen qu’il employa pour être en état de secourir son ami exige de courtes explications.

Notre histoire se passe à une époque où les directeurs de la compagnie, avec cette politique hardie et persévérante qui a élevé si haut l’empire britannique dans l’Orient, avaient résolu d’envoyer un renfort considérable de troupes européennes pour soutenir leur puissance dans l’Inde, alors menacée par le royaume de Mysore, dont le célèbre Hyder Aly avait usurpé le gouvernement après avoir détrôné son maître. On rencontrait de grandes difficultés à trouver des recrues pour ce service. Ceux qui eussent été disposés à se faire soldats étaient effrayés par le climat et par l’espèce d’exil qu’entraînait leur engagement ; ils se demandaient aussi jusqu’à quel point les promesses de la compagnie seraient fidèlement remplies à leur égard, quand ils ne pourraient plus recourir à la protection des lois anglaises. Pour ces raisons, et d’autres encore, on préférait le service militaire du roi, et la compagnie ne pouvait se procurer que les mauvaises recrues, quoique des agents zélés n’hésitassent point à employer tous les moyens imaginables. En effet, l’usage d’enrôler les soldats par ruse, ou de les embaucher, suivant l’expression technique, était général à cette époque, aussi bien pour les troupes coloniales que pour celles du roi ; et comme les agents qui faisaient un pareil métier n’étaient, bien entendu, nullement scrupuleux, il s’en suivait d’abord, comme conséquence directe, une foule d’abus, et ensuite ce système donnait accidentellement lieu à des vols considérables, et même à des meurtres. De telles atrocités étaient naturellement cachées aux autorités pour lesquelles les levées se faisaient, et la nécessité d’obtenir des soldats rendait des hommes, dont la moralité était d’ailleurs irréprochable, peu disposés à regarder de près à la manière dont s’exécutait le service du recrutement.

Le principal dépôt des troupes rassemblées par ces moyens était dans l’île de Wight. La saison devenant malsaine, et la plupart des recrues se trouvant être d’un tempérament maladif, une fièvre maligne s’y déclara parmi les jeunes soldats, et encombra bientôt de malades l’hôpital militaire, dont M. Seelen Cooper, ancien enrôleur et embaucheur, habile dans le métier, avait obtenu la surintendance. Des actes d’insubordination commencèrent aussi à devenir fréquents parmi ceux qui jouissaient d’une bonne santé, et la nécessité de les soumettre à quelque discipline