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qu’un novice pouvait comprendre çà et là, avaient rapport à des exploits violents et criminels.

L’étonnement de Richard Middlemas était égal à son horreur. Il n’avait qu’un seul avantage sur les pauvres misérables parmi lesquels il était classé : c’était de jouir du luxe d’une paillasse pour lui seul, tandis que la plupart des autres étaient occupées par deux malheureuses créatures. Il ne voyait personne qui parût être là pour satisfaire les besoins et soulager les souffrances des infortunés qui l’entouraient, et auquel il pût s’adresser pour sortir de sa fâcheuse position. Il chercha ses habits pour se lever et s’arracher à cette caverne d’horreurs ; mais ses habits avaient disparu, et il ne retrouva point davantage son porte-manteau ni sa valise. Il était fort à craindre qu’il ne les revît jamais.

Alors, mais trop tard, il se rappela les bruits qui avaient couru sur son ami le capitaine, qu’on supposait avoir été remercié par M. Lawford, pour cause d’abus de confiance, pendant qu’il était à son service. Mais qu’il eût trompé d’une manière infâme l’ami qui se fiait entièrement à lui… qu’il lui eût volé sa fortune, et l’eût jeté dans cette maison empestée, dans l’espérance que la mort lui lierait la langue, c’étaient des crimes qu’on ne pouvait imaginer, quand même le pire de tous ces mauvais bruits aurait été vrai.

Cependant Middlemas résolut de tout tenter pour son salut. Cet hôpital devait être visité par quelque militaire d’un grade supérieur ou quelque officier de santé, auquel il ferait un appel ; et il exciterait du moins de la crainte dans son perfide ami, s’il ne pouvait éveiller ses remords. Tandis qu’il s’abandonnait à ces affreuses pensées, tourmenté en même temps par une soif brûlante, qu’il n’avait pas moyen de satisfaire, il tâcha de découvrir si, parmi les malades couchés sur les paillasses les plus proches, il n’en trouverait pas un qui semblât disposé à entrer en conversation avec lui, et à lui donner quelques détails sur la nature et les usages de cet horrible lieu. Mais le lit le plus voisin du sien était occupé par deux coquins qui, bien que paraissant relever de maladie, et n’être arrachés que de la veille à la faulx de la mort, à en juger par leurs joues maigres, leurs yeux creux et leurs regards mornes, donnaient néanmoins toute l’application dont ils étaient capables à se gagner l’une à l’autre quelques demi-pence en jouant au cribbage[1] : ils entremêlaient les termes du jeu de jurements prononcés à voix basse, mais expressifs. Chaque coup du sort était

  1. Jeu de cartes. a. m.