Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 2, 1838.djvu/278

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sista pour que son jeune compagnon en prît joyeusement sa part entière, d’autant mieux, comme il le disait facétieusement, qu’il y avait eu un peu de sécheresse entre eux, et que cette liqueur était souveraine pour faire disparaître tout cela. Alors il se remit à décrire, avec des splendeurs nouvelles, les différentes scènes panoramiques de l’Inde et les aventures arrivées en ce pays, qui avaient déjà enflammé l’ambition de Middlemas, et il l’assura que, quand bien même il ne pourrait pas lui procurer sur-le-champ une commission, un court délai n’aboutirait qu’à lui donner le temps de mieux connaître ses devoirs militaires. Richard était trop étourdi par la liqueur qu’il avait bue, pour voir aucune difficulté qui pût s’opposer à sa fortune. Soit que les autres personnes qui sablaient le punch fussent plus habituées à boire… soit que Middlemas bût plus qu’elles… ou, soit, comme il le soupçonna par la suite, qu’on eût jeté certaine drogue dans son verre, comme dans ceux des gardes de Duncan[1], il est certain qu’en cette occasion il passa, avec une rapidité extraordinaire, par toutes les différentes phases du respectable état d’ivresse… Il rit, chanta, cria et hurla, fut outré dans ses tendresses et frénétique dans sa colère, et enfin tomba dans un profond et imperturbable sommeil.

L’effet de la liqueur se manifesta, selon l’usage, par cent rêves bizarres de déserts brûlants, et de serpents dont la morsure occasionnait la soif la plus intolérable… des souffrances que l’Indien endure au poteau fatal… et même des tortures qu’on subit dans les régions infernales : lorsqu’enfin il se réveilla, et crut que la dernière vision s’était réalisée. Les sons qui avaient d’abord influencé ses rêves, et ensuite troublé son sommeil, étaient du genre le plus horrible aussi bien que le plus triste. Ils partaient de plusieurs rangées de paillasses presque entassées les unes sur les autres dans une espèce d’hôpital militaire ; et une fièvre brûlante était la cause principale de ces plaintes. La plupart des malades étaient en proie à un délire complet, durant lequel ils criaient, hurlaient, blasphémaient et poussaient les plus horribles imprécations. D’autres, comprenant leur position, la déploraient par de sourds gémissements, et, se livrant à un sentiment de dévotion, faisaient des tentatives qui montraient leur ignorance des principes et même des formes de la religion. Les convalescents parlaient en termes grossiers et à haute voix, ou causaient ensemble, dans une langue d’argot, sur des sujets qui, à en juger par les phrases

  1. Voir Macbeth. a. m.