Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 2, 1838.djvu/267

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l’éloquence d’un sergent de recrues. Dans ses récits, les palais poussaient comme des champignons ; des forêts d’arbres superbes et d’arbrisseaux aromatiques, inconnus au sol glacé de l’Europe, étaient peuplées de tous les animaux qu’on pouvait désirer à la chasse, depuis le tigre royal jusqu’au chacal. Le luxe d’un Natch, et la beauté particulière des enchanteresses orientales, qui parfumaient leurs dômes voluptueux pour le plaisir des fiers conquérants anglais, ne présentaient pas des attraits moins séducteurs que les sièges et les combats sur lesquels le capitaine s’étendait d’autres fois. Il ne mentionnait pas un ruisseau qui ne coulât sur des sables d’or, et pas un palais qui ne fût supérieur à ceux de la célèbre Fata Morgana. Ses descriptions semblaient trempées dans les parfums, et chacune de ses phrases était embaumée d’essence de roses. Les entrevues dans lesquelles se faisaient ces magnifiques récits étaient souvent égayées par une bouteille du meilleur vin que pût fournir l’auberge du Cygne, accompagnée de quelques mets excellents que le capitaine, qui était un bon vivant, faisait venir d’Édimbourg. Après ces collations délicates, il fallait que Middlemas vînt manger le modeste souper de son maître, et la simple beauté de Menie Grey n’était pas capable de vaincre son dégoût pour la grossièreté des mets, ou l’ennui qu’il avait d’avoir à répondre aux questions du docteur sur les maladies des misérables paysans confiés à ses soins.

Les espérances qu’avait conçues Richard d’être reconnu par son père s’étaient depuis long-temps évanouies, et le dur refus de Monçada, qui ne s’était presque plus occupé de lui, l’avait convaincu que son grand-père était inexorable : jamais il ne réaliserait les rêves dans lesquels les fictions splendides de Nourrice Jamieson avaient bercé le jeune Middlemas. Pourtant son ambition ne sommeillait pas, quoiqu’elle ne fût pas nourrie par les motifs d’espérance qui l’avaient d’abord éveillée. La fertile faconde du capitaine indien lui en fournissait de nouveaux, à défaut de ceux que Richard avait jadis puisés dans les contes de son enfance : les exploits d’un Lawrence, d’un Clive, aussi bien que les magnifiques occasions d’acquérir les richesses vers lesquelles ces exploits ouvraient la route, troublaient le sommeil du jeune aventurier. Il n’y avait, pour balancer ces désirs, que son amour pour Menie Grey, et les engagements qui en avaient été la suite. Mais il avait voulu plaire à Menie autant par envie de satisfaire sa vanité, que par une passion décidée pour cette innocente et candide