Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 2, 1838.djvu/262

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ami… ne pouvez-vous me suggérer un moyen de me débarrasser de ces deux années d’ennui ?

— Non, » répliqua Hartley cachant à peine son mécontentement ; « et si je pouvais persuader à M. Grey de se désister d’une condition si raisonnable, je serais bien fâché de le faire. Vous n’avez que vingt et un ans, et si dans la prudence du docteur un pareil temps d’épreuve était jugé nécessaire pour moi qui suis plus vieux que vous de deux années pleines, je n’ai pas idée qu’il veuille rien rabattre en votre faveur.

— Non, peut-être, répliqua Middlemas ; mais ne pensez-vous pas qu’il me vaudrait mieux passer ces deux années d’épreuve, dites trois si vous voulez, dans les Indes, où l’on peut beaucoup plus faire en peu de temps, qu’ici où les meilleures chances possibles consistent à gagner du sel pour notre bouillon, ou du bouillon pour notre sel ? Il me semble que j’ai un penchant naturel pour les Indes, et cela se conçoit : mon père était soldat, d’après les conjectures de toutes les personnes qui l’ont vu ; il m’a donné l’amour de l’épée et un bras pour en manier une. Le père de ma mère est un riche négociant qui aime l’or, j’en réponds, et qui sait comment en gagner. Ces deux cents méchantes livres par an, avec leur misérable et précaire possibilité d’augmentation, à partager avec le vieux bonhomme, ne semblent guère qu’un état décent de mendicité aux yeux d’un gaillard tel que moi, qui ai le monde pour m’y retourner, et une épée pour m’y frayer un chemin. Menie est par elle-même une perle… un diamant… d’accord ; mais alors, ce n’est ni dans le plomb ni dans le cuivre, c’est dans l’or pur que tout le monde voudrait enchâsser un si précieux joyau ; même on y ajouterait un cercle de brillants pour le faire ressortir. Soyez bon camarade, Adam, et chargez-vous de présenter mon projet au docteur, sous des couleurs convenables. Je suis convaincu que son intérêt et celui de Menie lui commandent de me permettre d’aller au pays des couris[1] passer ce temps d’épreuves. Je suis sûr d’y être de cœur dans tous les cas, et pendant que je saignerai ici le premier manant venu pour une inflammation, je m’imaginerai secourir quelque nabad ou Rajahpoot, malade d’une pléthore de richesses. Allons… me seconderez-vous, serez-vous mon auxiliaire ? Il y a dix chances que vous plaiderez votre propre cause, ami ; car je puis être enlevé d’un coup de sabre ou de flèche, avant d’avoir fait ma pelotte ; alors le chemin du

  1. Monnaie des Indes.