Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 2, 1838.djvu/240

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ce que les gens positifs appellent le nécessaire, ne présentait guère que l’histoire d’un enfant du déshonneur, abandonné de son père et de sa mère, et élevé par la charité sordide d’un parent éloigné, qui le regardait comme la preuve, bien qu’innocente, de la honte de sa famille, et qui aurait payé avec plus de plaisir les dépenses de son enterrement que celles de son entretien. Temples et tours, tous ces magnifiques châteaux bâtis par l’imagination enfantine de Richard s’écroulèrent à la fois, et la douleur qui accompagna leur démolition devint encore plus aiguë par la honte de s’être livré à de telles rêveries. Il resta, pendant que le docteur Grey continua ses explications, dans l’attitude de l’abattement, les yeux fixés sur la terre, et toutes les veines du front gonflées par les passions qui se combattaient en lui.

« Et maintenant, mon cher Richard, ajouta le bon chirurgien, il vous faut songer à ce que vous pouvez faire pour vous-même, puisque votre grand-père vous laisse le choix de trois honorables carrières, dont chacune, si elle est suivie avec persévérance, peut vous procurer l’indépendance, sinon la richesse, et un nom respectable, sinon glorieux. Vous devez naturellement désirer quelque temps pour réfléchir.

— Pas une minute, » répondit le jeune homme en levant la tête et en regardant avec fierté son tuteur. « Je suis né Anglais et libre, et je retournerai en Angleterre, si bon me semble.

— Vous êtes né libre et fou plutôt, répliqua Grey ; vous êtes né, et personne, je pense, ne peut le savoir mieux que moi, dans la chambre bleue de Stevenlaw’s-Land, au bourg de Middlemas, si c’est là ce que vous appelez être né Anglais et libre.

— Mais Tom Hillary m’a pourtant assuré que j’étais, malgré tout, libre et Anglais, à cause de mes parents.

— Oh, enfant ! que savons-nous de vos parents ? Mais quel rapport votre qualité d’Anglais a-t-elle avec la question qui nous occupe en ce moment ?

— Oh, docteur ! » répondit le jeune garçon avec dépit, « vous n’ignorez pas que nous autres nous ne pouvons travailler aussi rudement que vous. Les Écossais sont trop rangés, trop sages, trop robustes, pour qu’un pauvre mangeur de pouding vive parmi eux, en exerçant l’état de curé, d’homme de loi ou de médecin… vous m’excuserez, monsieur.

— Sur ma vie, Dick, ce Tom Hillary vous tournera la tête. Que signifie tout ce bavardage ?