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à coup dans son carrosse à six chevaux, pour réclamer son fils chéri. Ou bien enfin il se disait que son aïeul repentant, avec ses poches pleines de billets de banque, accourrait expier sa cruauté première en amoncelant autour de son petit-fils, si long-temps négligé, des richesses inattendues. Nourrice Jamieson était sûre « qu’il ne fallait qu’un regard des jolis yeux de son nourrisson pour tourner leurs cœurs, comme dit l’Écriture ; et, puisqu’il était souvent arrivé des choses fort étranges, ses parents pourraient bien venir tous ensemble au village, et y passer une journée comme on n’en avait jamais vu à Middlemas ; et puis son nourrisson ne serait plus jamais appelé par son humble nom de Middlemas, qui sonnait comme si on l’eût ramassé dans le ruisseau du village ; mais alors il serait nommé Galatien, ou sir William Wallace, ou Robin Hood, ou de même que quelque autre grand prince cité dans les livres d’histoire. »

Le récit du passé fait par Nourrice Jamieson, et ses prédictions pour l’avenir, offraient trop de séduction pour ne pas exciter les rêves les plus ambitieux dans l’esprit d’un jeune homme qui, naturellement, avait un vif désir de se pousser dans le monde, et se sentait les moyens nécessaires pour y obtenir de l’avancement. Les incidents de sa naissance ressemblaient à ceux qu’il trouvait mentionnés dans les contes qu’il lisait ou qu’il entendait répéter ; et il ne semblait pas y avoir de raison pour qu’ils ne se terminassent pas de même que ces très-véridiques histoires. En un mot, pendant que le bon docteur s’imaginait que son pupille était resté dans une complète ignorance de son origine, Richard ne songeait à rien moins qu’aux moyens qu’il lui faudrait employer pour sortir plus tôt de l’obscurité de sa condition présente, et reprendre le rang auquel, dans son opinion, sa naissance lui donnait droit.

Telles étaient les idées du jeune homme, quand un jour, après dîner, le docteur, mouchant la chandelle et tirant de sa poche le grand portefeuille de cuir où il déposait des papiers particuliers, et un petit assortiment des remèdes les plus nécessaires et les plus actifs, y prit la lettre de Monçada, et demanda à Richard une attention sérieuse pendant qu’il allait lui apprendre certaines circonstances qui le touchaient, et qu’il lui importait grandement de connaître. Les yeux noirs de Richard lancèrent du feu… son sang se précipita vers son large et beau front… l’heure de l’explication était enfin arrivée. Il écouta le récit de Gédéon Grey : et, le lecteur peut le croire, ce récit, entièrement dépouillé de la dorure dont l’avait embelli l’imagination de Nourrice Jamieson, et réduit