Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 2, 1838.djvu/236

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qué. L’homme bienveillant pensait que, si le riche aïeul pouvait seulement voir ce petit-fils, dont toute famille eût été fière, il lui serait impossible de persévérer dans sa résolution de traiter comme un proscrit un être qui lui tenait de si près par le sang, et non moins intéressant par la beauté de sa figure que par la bonté de son caractère. Il crut donc que son devoir exigeait qu’il maintînt cette communication détournée avec l’aïeul maternel de l’enfant, comme le seul qui pût, à quelque heureuse époque, conduire à des relations plus intimes. Pourtant cette correspondance ne pouvait pas, sous tout autre rapport, être agréable à un homme d’esprit tel que M. Grey. Ses propres lettres étaient aussi courtes que possible ; il y rendait simplement compte des dépenses de son pupille, pour lesquelles il s’allouait une modique somme, et qu’il faisait approuver par M. Lawford, son cocurateur ; il y marquait l’état de la santé de Richard, et les progrès de son éducation, avec quelques mots d’éloges courts mais chaudement sentis sur la rectitude de son esprit et la bonté de son cœur. Mais les réponses qu’il recevait étaient encore plus brèves : » M. Monçada (telle était la teneur ordinaire) accuse réception à M. Grey de sa lettre datée du… ; il a pris connaissance du contenu, et prie M. Grey de persister dans le plan qu’il a jusqu’à présent suivi pour ce qui fait le sujet de leur correspondance. » Dans les occasions où les dépenses extraordinaires semblaient devoir être nécessitées, les envois d’argent étaient faits avec promptitude.

Quinze jours après la mort de mistress Grey, on expédia cinquante livres sterling, avec une note portant que cette somme était destinée aux habits de deuil du jeune R. M. L’auteur de la lettre avait ajouté deux ou trois mots, pour dire que le surplus serait à la disposition de M. Grey, pour qu’il obviât aux dépenses extraordinaires que lui occasionnait ce malheur. Mais M. Monçada n’avait pas terminé la phrase, désespérant sans doute de la tourner convenablement en anglais. Le docteur Grey, sans chercher, ajouta tranquillement la somme au montant de la petite fortune de son pupille, contre l’opinion de M. Lawford, qui, n’ignorant pas que son ami perdait plus qu’il ne gagnait à garder l’enfant dans sa maison, désirait que le digne homme ne manquât point une occasion de rentrer dans une partie des dépenses restées à son compte. Mais Grey fut à l’épreuve de toute remontrance.

Lorsque son pupille approcha de sa quatorzième armée, le docteur Grey écrivit une lettre où il donna plus de détails sur son