Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 2, 1838.djvu/231

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« Eh bien ! docteur s’écria-t-elle, resterez-vous à regarder par la fenêtre jusqu’à ce qu’on vienne vous chercher pour un autre malade ? et puis il vous faudra partir sans avoir dîné !… Mais j’espère que M. Lawford partagera avec nous la fortune du pot, car c’est justement son heure, et ma foi ! nous avons aujourd’hui quelque chose de meilleur qu’à l’ordinaire, à cause de cette pauvre dame… de l’agneau, des épinards, et du veau à la Florentine. »

Le chirurgien se réveilla comme d’un songe, et unit ses instances à celles de sa femme : Lawford accepta volontiers.

Nous supposerons le repas fini, une bouteille de généreux et vieil antigoa sur la table, et un modeste petit bol de punch judicieusement rempli pour le docteur et son hôte. Leur conversation roulait naturellement sur l’étrange scène dont ils avaient été témoins, et le clerc du bourg ne manqua pas de s’attribuer un grand mérite pour sa présence d’esprit.

« Je crois, docteur, dit-il, que vous auriez pu vous brasser une ale un peu amère, si je n’étais pas arrivé comme je l’ai fait.

— En vérité, la chose aurait fort bien pu arriver, répliqua Grey ; car, à vous parler franchement, lorsque je vis ce coquin se donner des airs avec ses pistolets au milieu de ces pauvres femmes et dans ma propre maison, le vieil esprit caméronien commença à se réveiller en moi, et la moindre chose m’eût décidé à empoigner le fourgon.

— Bah ! bah ! cela n’aurait rien valu, non ! répartit l’homme de loi, c’était un cas où un peu de prudence valait tous les pistolets et tous les fourgons du monde.

— C’est précisément ce que j’ai pensé en vous envoyant quérir, clerc Lawford, dit le docteur.

— Impossible d’appeler un homme plus sage dans un cas aussi difficile » ajouta mistress Grey, qui était assise avec son ouvrage à peu de distance de la table.

« Grand merci, et à votre santé, ma bonne voisine ! répondit le scribe. Ne me permettrez-vous pas de vous offrir un second verre de punch, mistress Grey ! » Mistress Grey refusant, il continua : « Je suspecte fort que le messager et son mandat ont été seulement mis en avant pour empêcher toute opposition. Vous avez vu comme il avait l’air tranquille, après que j’eus expliqué la loi… Je ne croirai jamais que la dame coure aucun risque avec lui. Mais le père est un véritable brutal. Ne vous y trompez pas :