Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 2, 1838.djvu/225

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— Si telle est la vérité, répliqua M. Grey, » en regardant le père prétendu, » vous vous êtes chargé d’une singulière mission. Il n’est pas dans mes habitudes de nier mes propres actions, ou de m’opposer aux lois du pays. Il y a dans cette maison une dame qui relève à peine de maladie ; car elle est devenue sous ce toit mère d’un bel enfant. Si elle est la personne signalée dans ce mandat, et fille de monsieur, je dois la livrer à la justice du royaume. »

À ces mots, la milice de l’Esculape fit un mouvement.

« La livrer, docteur Grey ! s’écria la meilleure moitié de lui-même ; c’est une honte de vous entendre parler ainsi, vous que font vivre les femmes et leurs enfants, plus que toute autre chose !

— Je m’étonne que le docteur parle ainsi, ajouta la jeune nourrice ; il n’y a pas une femme dans le village qui voudrait le croire.

— J’avais toujours cru, jusqu’à ce moment, que le docteur était un homme, dit la mère Simson ; mais j’imagine maintenant que c’est une vieille femme : il n’est guère plus hardi que moi-même ; et je ne m’étonne plus que cette pauvre mistress Grey…

— Paix, paix donc ! folles ! dit le docteur, croyez-vous que cette affaire n’est pas assez mauvaise en elle-même, et qu’il faut la rendre pire encore, avec vos stupides caquetages ?… Messieurs, le cas est des plus déplorables : voici un mandat accusant de haute trahison une pauvre créature qui n’est guère en état d’être transportée d’une maison dans une autre, encore moins d’être menée en prison. Je vous le déclare formellement, je pense que l’exécution de cet arrêt peut causer sa mort. Il vous appartient, monsieur, si vous êtes réellement son père, de considérer ce que vous pouvez faire pour arranger les choses plutôt que de les pousser à bout.

— Plutôt la mort que le déshonneur, » répliqua le vieillard aux traits sombres, avec une voix aussi farouche que ses traits ; « et vous, messager, continua-t-il, songez à ce que vous faites, et exécutez le mandat à vos risques et périls.

— Vous entendez, » dit l’homme en s’adressant à Grey lui-même, » il faut m’introduire à l’instant près de la dame.

— Voici fort à propos, répliqua M. Grey, voici le clerc du bourg… Tous êtes le bien venu, M. Lawford. Votre opinion est ici fort nécessaire, comme homme de loi, aussi bien que comme homme rempli d’intelligence et d’humanité. Je ne fus jamais plus content de vous voir, de toute ma vie. »