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CHAPITRE I.

Ce genre de vie ne put durer. Je courais trop vite à ma ruine pour courir long-temps ; et lorsque j’aurais voulu m’arrêter dans ma carrière imprudente, j’étais trop près du précipice pour le pouvoir. Ma propre folie m’avait préparé des malheurs ; d’autres les suivirent et fondirent sur moi à l’improviste. J’engageai mon domaine[1] et je le mis entre les mains d’un gros homme d’affaires qui étouffa l’enfant chéri que je lui avais confié, au lieu de me le rendre plein de force et de santé. Bref, après une vive querelle avec cet honnête homme, je vis, en habile général, que le meilleur parti était de prendre position près de l’abbaye d’Holy-Rood[2]. Ce fut alors que je fis pour la première fois connaissance avec le quartier auquel mon petit ouvrage donnera, je l’espère, quelque célébrité, et que j’étudiai les détours de ces bois magnifiques où chassaient jadis les rois d’Écosse : ils n’avaient alors d’autre mérite à mes yeux que celui d’être inaccessibles à ces êtres métaphysiques que les lois d’un pays voisin appellent John Doe et Richard Roe[3].

La lutte entre mon ancien agent et moi fut terrible : pendant ce temps, tous mes mouvements, semblables à ceux d’un démon conjuré par quelque sorcier, furent circonscrits dans un cercle qui, commençant à la porte septentrionale de King’s Parck[4] et s’étendant vers le nord, est borné sur la gauche par le mur du jardin du roi et le ruisseau ; cette ligne traversant High-Street[5], vers la Water-Gate[6], et coupant l’égout, est bornée par les murs de Tennis-Court et de Physic-Garden, etc. : là, suivant le mur du cimetière, elle va joindre le mur nord-est de St.-Ann’s yards[7] ; enfin

  1. Le texte dit : Je mis mes terres en nourrice ; I put my estate out to nurse : ce qui exprime assez bien l’abandon qu’un seigneur anglais a coutume de faire volontairement d’une certaine portion du revenu de ses terres pour en éteindre les hypothèques. a. m.
  2. Voir sur Holy-Rood la note insérée au commencement de notre traduction du roman de Walter Scott, publiée sous le titre du Jour de Saint-Valentin. (La Jolie fille de Perth.) a. m.
  3. Êtres imaginaires qui figurent dans les writs ou actes de prise de corps. Ces individus fictifs sont censés poursuivre les débiteurs, et les appréhender au corps. Quand un débiteur a peur d’être arrêté, il exprime sa crainte en disant : J’ai peur de John Doe et de Richard Roe. a. m.
  4. Le Parc du Roi, promenade publique, grande étendue de terrain, à un coin duquel se trouve le château de Holy-Rood. a. m.
  5. High Street, principale rue de l’ancienne ville d’Édimbourg, longue d’environ un mille, et aboutissant à celle de la Canongate, qui mène au château royal de Holy-Rood. a. m.
  6. Porte de l’eau, porte à l’entrée de la Canongate, une des sorties d’Édimbourg, conduisant vers la mer. a. m.
  7. Les jardins de Sainte-Anne faisaient partie de King’s Park, et touchaient presque au palais de Holy-Rood. a. m.