Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 2, 1838.djvu/195

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d’une vengeance méditée, à laquelle la loi ne peut, ne veut, ni ne doit accorder aucune pitié, aucun égard.

« Il est vrai, nous pouvons le répéter comme circonstance atténuante de l’action fatale de ce malheureux, que sa position est tout à fait particulière. Le pays où il est né était, dans un temps qu’ont pu voir beaucoup d’entre nous, inaccessible non-seulement aux lois de l’Angleterre, qui n’y ont pas pénétré encore, mais même à celles qui régissent nos voisins d’Écosse, et que nous devons considérer comme fondées sur les principes de la justice et de l’équité admis dans tout pays civilisé. Dans leurs montagnes, les diverses tribus des anciens Celtes, comme les peuplades du nord de l’Amérique, étaient habituées à faire la guerre entre elles, de manière que chaque individu était obligé de marcher armé pour sa propre défense et celle de son voisin. Ces hommes, d’après les idées qu’ils avaient de leur origine et de leur importance, se regardaient comme autant de chevaliers ou d’hommes d’armes plutôt que comme les rustiques habitants d’une contrée paisible. Les lois du pugilat étaient inconnues à la race belliqueuse des montagnards ; cette coutume de décider les querelles par les seules armes que la nature a données à tous les hommes doit leur avoir paru aussi vulgaire et aussi absurde qu’elle l’est aux yeux de la noblesse de France. La vengeance, d’un autre côté, doit avoir été aussi familière à leurs habitudes sociales qu’à celles des Cherokees et des Mohawks. C’est vraiment au fond, comme dit Bacon, une sorte de justice sauvage et sans règles ; car la crainte de la vengeance doit lier les mains de l’oppresseur, lorsqu’il n’y a pas de loi régulière pour réprimer la violence. Mais, quoiqu’on puisse admettre toutes ces prémisses, et quoique nous devions convenir que, telles ayant été les coutumes des ancêtres du prisonnier, beaucoup de ces opinions et de ces sentiments doivent influencer encore la génération actuelle ; néanmoins, de pareilles considérations ne peuvent ni ne doivent faire fléchir les armes de la loi ni dans vos mains, messieurs les jurés, ni dans les miennes. Le premier objet de la civilisation est de mettre la protection de la loi, également administrée, à la place de cette justice sauvage que chaque homme se rendait lui-même, selon la longueur de son épée ou la force de son bras. La loi dit aux sujets, d’une voix qui ne le cède qu’à celle de la Divinité : « La vengeance m’appartient. » Dès que la passion a le temps de se calmer et la raison d’intervenir, l’offensé doit savoir que la loi se réserve le droit exclusif de déci-