Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 2, 1838.djvu/193

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il fut insulté par toute la compagnie, qui paraît avoir oublié dans cette occasion la maxime nationale de l’égalité dans le combat ; et lorsqu’il essaya de s’échapper paisiblement, on lui barra le passage : il fut renversé, frappé jusqu’à effusion de sang.

« Messieurs les jurés, ce n’est pas sans quelque impatience que j’ai entendu mon savant confrère, plaidant pour la couronne, s’efforcer de donner une couleur défavorable à la conduite du prisonnier dans cette circonstance. L’accusé était effrayé, nous a-t-il dit, de rencontrer son adversaire dans une lutte égale, et de se soumettre aux lois du combat ; en conséquence, semblable à un lâche Italien, il eut recours à son fatal stylet pour assassiner celui avec lequel il n’osait se mesurer en homme. J’ai remarqué que le prisonnier frémissait à cette partie de l’accusation, et que son âme la repoussait avec l’horreur naturelle à un homme brave ; et, comme je désire que mes paroles fassent impression quand j’accuse son crime réel, de même je veux que l’on soit convaincu de mon impartialité lorsque je réfute tout ce qui me paraît être une charge mal fondée. Il n’y a aucun doute que le prisonnier ne soit un homme d’un caractère résolu… trop résolu malheureusement : plût au ciel qu’il l’eût été moins, ou plutôt qu’il eût reçu une éducation capable de diriger sagement un pareil caractère !

« Messieurs, quant aux lois du combat dont parle mon savant confrère, elles peuvent être connues dans les lieux où se livrent les combats de taureaux, d’ours et de coqs ; mais elles ne le sont pas ici. Ou, si elles doivent être admises comme fournissant une sorte de preuve qu’il n’y a pas de malice préméditée dans une lutte de cette espèce, dont il résulte souvent de funestes accidents, elles ne peuvent l’être toutefois que si les deux partis sont in pari casu, s’ils sont égaux en force et en adresse, et s’ils consentent d’un commun accord à s’en rapporter à cette espèce d’arbitrage. Mais prétendra-t-on qu’un homme d’une éducation et d’un rang supérieurs doive être obligé de se soumettre à cette lutte grossière et brutale, et souvent contre un adversaire plus jeune, plus vigoureux ou plus habile ? Certainement le code du pugilat, s’il est fondé, comme le prétend mon savant confrère, sur la maxime de la vieille Angleterre, l’égalité des armes ; ce code, dis-je, ne peut contenir rien d’aussi absurde. Et, messieurs les jurés, si les lois autorisent un gentilhomme anglais portant son épée, comme nous le supposons, à s’en servir pour se défendre contre une agression personnelle de la nature de celle que le prisonnier a soufferte,