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Robin Oig s’arrêta à moitié riant, à moitié embarrassé, et faisant signe à ceux qui l’entouraient qu’il ne se prêtait au désir de la vieille que pour lui faire plaisir. Alors elle exécuta autour de lui, à pas chancelants, la cérémonie expiatoire qui, d’après l’opinion de quelques-uns, est tirée des rites druidiques. Elle consiste, comme chacun sait, à tourner trois fois autour de la personne qui est l’objet de la cérémonie, ayant soin d’exécuter cette marche mystérieuse selon le cours du soleil. Tout à coup, la vieille s’arrêta et s’écria d’une voix qui exprimait l’horreur et l’effroi : « Petit-fils de mon père, je vois du sang sur votre main !

— Silence, pour l’amour de Dieu, ma tante ! dit Robin Oig, vous attirerez sur votre tête, avec votre taishataragh (seconde vue), des embarras dont vous ne serez pas capable de vous tirer. »

La vieille femme répéta d’un air sombre et égaré : « Il y a du sang sur votre main, et du sang anglais. Le sang de Gaël est plus foncé et plus rouge. Voyons ! voyons ! »

Avant que Robin Oig eût le temps de l’en empêcher, ce qu’il n’aurait pu faire qu’en recourant à sa force, tant les mouvements de la vieille furent prompts et décisifs, elle arracha de la ceinture du jeune homme le poignard caché sous les plis de son plaid, et l’élevant en l’air, elle s’écria, quoique la lame brillât au soleil, claire et sans tache : « Du sang, encore du sang saxon ! Robin Oig M’Combich, je t’en conjure, ne pars pas aujourd’hui pour l’Angleterre !

— Bah, répondit Robin Oig, impossible ! je n’aurais plus qu’à courir le pays. N’êtes-vous pas honteuse, Mhume ? rendez-moi mon poignard. Vous ne sauriez distinguer à la couleur la différence qui existe entre le sang d’un taureau noir et celui d’un taureau blanc, et vous parlez de distinguer le sang d’un Saxon de celui d’un Écossais ! Tous les hommes tirent leur sang d’Adam, Mhume. Donnez-moi mon poignard, vous dis-je, et laissez-moi partir. Sans vous, je serais déjà à moitié chemin du pont de Stirling.

— Non, jamais je ne te le rendrai, dit la vieille femme : ma main ne lâchera pas ton plaid que tu ne m’aies juré de ne plus porter cette arme fatale. »

Les femmes qui entouraient Robin le supplièrent de consentir à ce qu’elle demandait, en disant qu’il devait bien savoir que rarement les paroles de sa tante tombaient à terre ; et comme Robin Oig vit que les fermiers des basses terres commençaient à observer