Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 2, 1838.djvu/169

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

comtés situés dans le centre et dans le nord de l’Angleterre, et l’argent anglais y avait roulé rondement, au point que les fermiers des montagnes en avaient le cœur tout réjoui. De nombreux troupeaux étaient sur le point de partir pour l’Angleterre, soit sous la garde de leurs maîtres, soit sous celle des bouviers, à qui les premiers confiaient, sous leur responsabilité, l’emploi ennuyeux et pénible d’emmener les bestiaux du marché où ils avaient été achetés et leur faire parcourir un espace de plusieurs centaines de milles, jusqu’aux champs ou jusqu’aux fermes où ils devaient être engraissés pour les boucheries.

Les montagnards surtout excellent dans ce métier difficile de conducteur de troupeaux, qui semble leur convenir aussi bien que le métier de la guerre. Il leur offre l’occasion d’exercer toutes leurs habitudes d’une patience à toute épreuve, et d’une activité toujours renaissante. Il faut qu’ils connaissent parfaitement les routes situées dans les parties les plus sauvages du pays, et qu’ils évitent, autant que possible, les grands chemins, qui fatiguent les pieds des bœufs, et les barrières dont le péage tourmente celui qui les guide. Sur l’herbe, au contraire, ou dans les plaines marécageuses, les troupeaux non-seulement marchent à l’aise et à l’abri des taxes, mais encore, s’ils y sont disposés, ils peuvent prendre, chemin faisant, un à compte sur leur nourriture. La nuit, les bouviers dorment ordinairement à côté de leurs troupeaux, quelque temps qu’il fasse, et la plupart de ces hommes endurcis aux fatigues ne reposent pas une seule fois sous un toit pendant un voyage à pied du Lochaber au Lincolnshire. Ils reçoivent un gros salaire ; car la tâche qu’on leur confie est d’une grande importance, puisqu’il dépend de leur prudence, de leur vigilance et de leur probité, que leur bétail arrive en bon état au lieu de sa destination, et rapporte du profit au nourrisseur. Mais comme ils s’entretiennent à leurs frais, ils sont d’une économie remarquable. À l’époque dont il est question, la provision d’un bouvier montagnard, pour son long et fatigant voyage, consistait en quelques poignées de gruau, d’avoine, avec deux ou trois oignons, renouvelés de temps en temps, puis une corne de bouc pleine de whisky, dont il faisait usage régulièrement tous les matins et tous les soirs. Son poignard, ou skene-dhu, c’est-à-dire, couteau noir, porté de manière à être caché sous le bras ou par les plis du manteau, était sa seule arme, avec le bâton à l’aide duquel il dirigeait les mouvements du troupeau. Jamais un mon-