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— Elspat, reprit le ministre, il a été condamné, et la sentence est exécutée. »

La malheureuse mère leva les yeux au ciel, et poussa un cri si différent de celui d’une créature humaine, que l’aigle qui planait au milieu des airs y répondit comme il eût fait au cri de sa compagne.

« Impossible ! s’écria-t-elle ; c’est impossible ! Les hommes ne peuvent condamner et tuer le même jour ! Tu me trompes. Le peuple t’appelle saint : mais as-tu bien le cœur assez dur pour dire à une mère qu’elle a tué son enfant, son enfant unique ?

— Dieu sait, » dit le prêtre, les yeux baignés de larmes, « que je voudrais avoir de meilleures nouvelles à vous donner ; mais malheureusement celles que je vous apporte sont aussi certaines que fatales. Mes oreilles ont entendu le coup mortel, mes yeux ont vu la mort de votre fils, ses funérailles ; et ma bouche rend témoignage de ce que mon oreille a entendu, de ce que mes yeux ont vu ! »

Elspat joignit les mains et les éleva vers le ciel comme une sybille prête à annoncer la guerre et la désolation ; et, dans sa fureur impuissante et terrible, elle vomit un torrent d’imprécations effroyables.

« Vil Saxon ! s’écria-t-elle, vil hypocrite ! misérable imposteur ! puissent les yeux qui ont vu avec calme la mort de mon fils aux blonds cheveux s’éteindre dans leurs orbites, et se dissoudre dans les pleurs que tu répandras pour les parents les plus proches et les amis les plus chers ! Puissent les oreilles qui ont entendu le signal de son trépas être désormais sourdes à toute espèce de son, si ce n’est au cri du corbeau et au sifflement du serpent ! Puisse la langue qui m’a raconté cette mort et mon propre crime se dessécher dans ta bouche ! Ou plutôt, quand tu prieras avec ton peuple, puisse l’esprit du mal te souffler des blasphèmes au lieu de bénédictions, jusqu’à ce que les hommes fuient de terreur, et que la foudre céleste, lancée contre ta tête, arrête pour jamais ta voix maudissante et maudite ! Pars ! éloigne-toi ! Jamais, jamais Elspat n’adressera autant de paroles à une créature humaine ! »

Elle tint sa promesse. Depuis ce jour le monde fut un désert pour elle, un désert où elle resta sans penser, sans prendre de soin, d’intérêt à rien ; où elle végéta, absorbée dans son désespoir et insensible pour tout le reste.

Quant à sa manière d’exister, le lecteur en sait déjà presque autant qu’il m’est possible de lui en apprendre. Mais, pour sa