Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 2, 1838.djvu/136

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braves montagnards, qui avant lui, avaient été des objets de soupçon et de terreur pour le gouvernement. Mais les habitudes et le caractère particulier de ce peuple apportèrent plus d’un obstacle à l’exécution de ce projet patriotique. Par goût et par habitude, les montagnards étaient portés à l’usage des armes ; mais, totalement étrangers à l’esprit de discipline, ils ne se soumettaient qu’avec répugnance à celle qui est imposée aux troupes régulières. Ils formaient entre eux une espèce de milice qui ne pouvait se faire à l’idée de se renfermer dans un camp. S’ils perdaient une bataille, ils se dispersaient aussitôt pour se sauver et veiller au salut de leurs familles ; s’ils gagnaient une victoire, ils retournaient dans leurs vallées pour y porter leur butin, et s’occuper du soin de leurs bestiaux et de leurs terres. Le privilège d’aller et de venir selon leur caprice était d’un tel prix à leurs yeux, qu’ils ne pouvaient consentir à en être dépouillés, même par leurs chefs, dont l’autorité, sous d’autres rapports, était si despotique. Il en résulta nécessairement que les nouvelles recrues des montagnes comprirent très-difficilement la nature d’un engagement qui forçait un homme à servir dans l’armée plus long-temps qu’il n’était disposé à le faire. Peut-être même, dans plusieurs circonstances, le peu de respect qu’ils eurent pour ces sortes de transactions provint-il de ce que, en les enrôlant, on évita de leur donner une idée trop exacte de l’importance de l’engagement, de peur que cette connaissance ne les entraînât à changer de résolution. Les désertions devinrent donc nombreuses dans le nouveau régiment, et le vieux général qui commandait à Dunbarton ne vit rien de mieux pour les réprimer que de donner un exemple d’une sévérité extraordinaire sur un déserteur anglais. Le régiment de jeunes montagnards fut obligé d’assister à l’exécution du châtiment : ce qui frappa d’horreur et d’effroi des hommes excessivement jaloux de l’honneur personnel, et en dégoûta plusieurs du service militaire. Le vieux général, qui avait été élevé dans les camps, et qui avait fait toutes les guerres d’Allemagne, n’en persista pas moins dans son opinion, et ordonna que le premier montagnard qui déserterait ou manquerait de paraître à l’expiration de son congé serait conduit au faisceau de hallebardes[1], et passerait par les verges, de même que le coupable qui avait été châtié en présence du régiment. Personne ne doutait que le général ne tînt rigoureusement sa pa-

  1. Pyramide triangulaire, formée par trois piques et sur laquelle les Anglais attachent les malheureux condamnés à ce supplice infâme. a. m.