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barton, sans attendre jusqu’au lendemain matin, et même sans rentrer dans la cabane de sa mère.

En effet, il pouvait arriver tant d’accidents propres à le retarder sur sa route, surtout dans un pays où il y avait un si grand nombre de passages d’eau, qu’il prit la ferme résolution, non point de partir sans avoir dit adieu à sa mère, mais de ne rester que le temps nécessaire pour cela, et de faire en sorte que les premiers rayons du soleil suivant le trouvassent déjà à plusieurs milles sur la route de Dunbarton. Il descendit donc le sentier, et, entrant dans la cabane, il annonça précipitamment et d’une voix troublée qui trahissait l’émotion de son âme, sa résolution de partir à l’instant. À sa grande surprise, Elspat ne chercha point à combattre son dessein ; seulement elle le pressa vivement de prendre quelque nourriture avant de la quitter pour toujours. Il le fit à la hâte et en silence, pensant à leur séparation prochaine, et n’osant espérer qu’elle se fît sans avoir encore à lutter contre la tendresse maternelle ; mais, à sa surprise toujours croissante, Elspat remplit la coupe du départ.

« Pars, lui dit-elle, puisque telle est ta résolution irrévocable ; mais au moins reste encore un moment près du foyer de ta mère, de ce foyer dont la flamme sera éteinte depuis long-temps lorsque ton pied reviendra s’y reposer.

— À votre santé, ma mère, dit Hamish, et puissions-nous nous revoir heureux, malgré vos sinistres paroles !

— Il vaudrait mieux ne pas nous séparer, » répliqua Elspat, l’observant attentivement, tandis qu’il buvait la liqueur, dont une seule goutte laissée au fond de la coupe lui aurait paru d’un funeste présage.

« Maintenant, » prononça-t-elle à demi-voix, « pars… si tu peux !

— Ma mère, » dit Hamish en posant sur la table la coupe vide, « cette liqueur est agréable au goût, mais elle ôte la force qu’elle devrait donner.

— Tel est son premier effet, mon fils, répondit Elspat, mais étends-toi un instant sur ce lit de bruyère, ferme les yeux, et une heure de sommeil te rendra plus de forces que le repos ordinaire de trois nuits entières, fussent-elles réunies en une seule.

— Ma mère, » dit Hamish, sur le cerveau duquel la potion agissait rapidement, « donnez-moi ma toque ; il faut que je vous embrasse et que je parte : et pourtant il me semble que mes pieds sont cloués à la terre.