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INTRODUCTION.

fût permis de renoncer au grade qu’il avait dans l’armée, puisqu’il lui était refusé de prouver sa reconnaissance à l’homme qui lui avait sauvé la vie. Le duc, frappé de tant de véhémence, le pria de reprendre sa commission, et lui accorda la protection qu’il demandait pour la famille d’Invernahyle.

Le chef lui-même resta caché dans un souterrain voisin de sa maison, devant laquelle était campé un petit corps de troupes régulières. Il pouvait entendre faire l’appel tous les matins, et battre la retraite le soir au quartier : aucun changement de sentinelle ne lui échappait. Comme on soupçonnait qu’il était caché dans quelqu’endroit de ses domaines, sa famille était sévèrement surveillée, et se trouvait obligée d’employer les plus grandes précautions pour lui faire passer de la nourriture : on se servait d’une de ses filles, enfant de huit à dix ans, comme de l’agent le moins suspect. Elle prouva, entre mille exemples, combien des circonstances difficiles et dangereuses peuvent donner, avant le temps, d’intelligence et de pénétration. Elle avait fait connaissance avec les soldats, et se familiarisa tellement avec eux, qu’ils ne faisaient plus attention à aucun de ses mouvements. Elle s’en allait donc errer dans le voisinage du souterrain et déposer la petite provision de nourriture qu’elle avait pu prendre, sous quelque grosse pierre et dans les racines de quelque arbre, de manière que son père pût la trouver lorsqu’il se glissait, la nuit, hors de son asile. Les temps devinrent meilleurs, et mon excellent ami fut sauvé de la proscription par l’acte d’amnistie. Telle est l’histoire intéressante que j’ai plus défigurée qu’embellie par la manière dont je l’ai rapportée dans Waverley.

Ces détails, ainsi que plusieurs autres circonstances qui servent de texte aux romans en question, ont été communiqués par moi à un ami vivement regretté, feu William Erskine (juge écossais portant le titre de lord Kinedder), lequel ensuite fit une critique beaucoup trop indulgente des Contes de mon hôte, dans la Revue du trimestre de janvier 1817[1]. On trouve, dans le même article, quelques autres éclaircissements sur ces romans que j’avais fournis moi-même à l’ami distingué qui s’était donné la peine d’en faire l’analyse. Le lecteur curieux de ces renseignements trouvera, dans le morceau dont il s’agit, l’original de Meg Merrilies[2] et de deux ou trois caractères du même genre.

  1. Quaterly review. a. m.
  2. Voir Guy-Mannering. a. m.