Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 2, 1838.djvu/126

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battu jusqu’à la mort. Va désavouer le royal Stuart, pour lequel ton père et ses pères, et les pères de ta mère ont teint de leur sang tant de champs de bataille. Va reconnaître pour chef l’un des descendants de cette race de Dermid, d’où sont sortis les assassins… oui, » ajouta-t-elle avec un accent farouche, « les assassins des ancêtres de ta mère, ceux qui ensanglantèrent le paisible foyer de Glencoe[1]. Je n’étais pas née encore, mais ma mère me l’a dit depuis et j’ai écouté la voix de ma mère, et j’ai cru ses paroles que je me rappelle : ils vinrent sous des formes de paix, et ils furent reçus avec amitié, et ils firent couler le sang et pousser des cris de douleur, et le meurtre et l’incendie furent leurs œuvres !

— Ma mère, » répondit Hamish tristement, mais d’un ton résolu, « je sais tout cela ; il n’y a pas une goutte de sang de Glencoe sur la noble main de Barcaldine. C’est sur la malheureuse maison de Glenlyon que la malédiction est tombée ; c’est sur elle que Dieu a appesanti sa vengeance !

— Vous parlez déjà comme le prêtre saxon ; ne feriez-vous pas mieux de rester ici, et de demander à Mac Allan Mhor une église, afin d’y prêcher le pardon envers la race de Dermid ?

— Hier était hier, et aujourd’hui est aujourd’hui. Lorsque les clans sont écrasés et confondus tous ensemble, il est bien, il est sage que leurs haines et leurs querelles ne survivent pas à leur indépendance et à leur pouvoir. Celui qui ne peut exercer la vengeance noblement, comme un homme doit le faire, ne nourrit pas au fond de son âme une haine inutile. Ma mère, le jeune Barcaldine est sincère et brave. Je sais que Mac Phadraick lui a conseillé de ne pas me laisser prendre congé de vous, de peur que vous ne me détourniez de mon dessein ; mais il répondit : « Hamish Mac Tavish est le fils d’un brave, il ne manquera pas à sa parole. » Ma mère, Barcaldine marche à la tête de cent des plus braves enfants des montagnes, revêtus de leur costume national, et couverts des armes de leurs pères, cœur contre cœur, épaule contre épaule. J’ai juré de marcher avec lui : il s’est fié à moi, je me fierai à lui. »

  1. Patrie d’Ossian, dans le comté d’Argyle en Écosse, théâtre d’un affreux massacre. Les habitants de ce canton avaient pris les armes pour Jacques II ; mais ils les avaient déposées comptant sur l’anmistie. On prétexta qu’ils n’avaient point prêté leur serment à l’époque fixée. Les soldats de Guillaume III furent reçus hospitalièrement à Glencoe ; ils vécurent plusieurs jours à la table et sous le toit des montagnards : enfin pendant la nuit du 15 février 1092, ils assaillirent leurs hôtes et massacrèrent indistinctement femmes, enfants et vieillards.