Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 2, 1838.djvu/118

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fils aurait pris la résolution de jouer le rôle paternel. Si son imagination jetait quelquefois un regard sur l’avenir, ce n’était que pour songer au moment où elle serait déposée dans la tombe, après que sa tribu aurait fait entendre sur elle, selon l’usage, les cris de douleur et les chants funèbres, événement qui devait arriver avant que son bel Hamish le Blond pérît, la main sur la poignée de sa claymore ensanglantée. Les cheveux de Mac Tavish avaient blanchi depuis long-temps, et il avait bravé cent dangers avant de succomber les armes à la main. Qu’elle eut survécu à un tel spectacle, c’était une conséquence naturelle des mœurs de ce siècle ; et mieux valait, pensait-elle dans son orgueil, l’avoir vu mourir ainsi, que dans une chaumière enfumée, sur un lit de paille pourrie, comme un misérable limier usé par la fatigue, ou comme un taureau vaincu par la maladie. Mais l’heure de son jeune, de son brave Hamish, était encore éloignée. Il devait triompher, il devait conquérir comme son père ; et, lorsqu’il tomberait enfin, car elle ne se dissimulait pas qu’il ne dût périr un jour d’une manière sanglante, Elspat reposerait depuis long-temps dans le cercueil, et ne pourrait ni voir son agonie, ni pleurer sur l’herbe qui couvrirait sa tombe.

L’esprit d’Elspat, imbu d’idées aussi bizarres, s’exalta à son degré d’enthousiasme ordinaire : elle le dépassa même. Selon le langage emphatique de l’Écriture, dont le style ne diffère guère de celui des peuplades des Highlands, elle se leva, se lava, changea de vêtements, mangea du pain, et se trouva reposée.

Elle désirait ardemment le retour de son fils ; mais ce n’était plus avec ce mélange d’amertume que donnent le doute et la crainte. Elle se disait qu’il avait encore beaucoup de choses à faire avant qu’il pût, surtout dans le temps où il vivait, s’élever au rang éminent de chef redoutable. Cependant elle s’attendait presque à le voir revenir à la tête d’un parti audacieux, s’avançant au son des cornemuses, les bannières déployées et le noble tartan flottant au gré des vents, en dépit des lois qui avaient défendu, sous des peines sévères, l’usage du costume national et tout l’attirail de la chevalerie highlandaise. Et, pour tout cela, son ardente imagination lui accordait à peine quelques jours d’intervalle.

Dès que cette idée se fut emparée de son esprit, elle ne s’occupa plus que de se préparer à recevoir son fils à la tête de ses partisans, et d’orner sa cabane, ainsi qu’elle avait coutume de faire autrefois pour le retour de Mac Tavish Mhor.