Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 2, 1838.djvu/117

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Ce principe moral, qui naît si naturellement et si justement dans l’esprit de l’homme élevé sous un gouvernement stable, dont les lois protègent la propriété du faible contre les déprédations du fort, était, pour la pauvre Elspat, un livre scellé, une source cachée. Elle avait appris à considérer ceux qu’elle appelait Saxons comme une race avec laquelle les enfants de Gael étaient constamment en guerre ; et toute propriété ennemie, qui se trouvait à la portée des incursions des montagnards, était, dans son esprit, un juste objet d’attaque et de pillage. Ses sentiments à cet égard s’étaient encore fortifiés, non-seulement par le désir de venger la mort de son époux, mais encore par cette indignation générale que la conduite violente et barbare des vainqueurs, après la bataille de Culloden, avait justement excitée dans le cœur de tous les montagnards. Il y avait même certains clans highlandais dont elle regardait aussi les propriétés comme de justes objets de conquête, lorsque l’occasion était favorable, à cause des anciennes inimitiés et des haines mortelles qui avaient jadis existé entre les divers clans.

Plus prudente, elle aurait examiné et pesé les moyens faibles et incertains que l’époque pouvait offrir pour résister aux efforts d’un gouvernement sagement combiné : elle aurait songé que son autorité était moins ferme et moins bien établie, à l’époque où il s’était trouvé incapable de réprimer les ravages et les déprédations de calerans tels que Mac Tavish Mhor ; mais la prudence était inconnue à une femme solitaire, dont les idées se reportaient encore aux jours de sa première jeunesse. Elle s’imaginait que son fils n’avait besoin que de se proclamer le successeur de Mac Tavish dans la carrière des entreprises audacieuses, et qu’aussitôt une foule d’hommes aussi braves que ceux qui avaient marché sous la bannière de son père, se réuniraient autour de lui, pour la défendre de nouveau, lorsqu’elle serait déployée. Hamish était l’aigle qui n’avait qu’à s’élever par un noble essor pour reprendre sa place naturelle dans les régions du ciel ; mais elle ne comprenait pas combien cet essor serait désormais surveillé, et combien de balles seraient dirigées de manière à l’abattre. En un mot, Elspat était une femme qui considérait l’état actuel de la société du même œil qu’elle avait considéré les temps qui n’étaient plus. Elle avait vécu dans l’indigence, l’oubli, l’oppression, depuis que son époux avait cessé d’inspirer la crainte ; et elle se figurait que le rang et l’ascendant dont elle avait joui renaîtraient pour elle, lorsque son