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et un doigt posé sur ses lèvres, comme pour lui ordonner le silence. Cependant elle s’étonnait d’une conduite qui semblait indiquer dans son fils un manque de courage ; elle soupirait en le voyant perdre les jours dans l’oisiveté, et porter l’habit à longs pans des habitants des basses terres, habit que les lois avaient ordonné aux montagnards à la place de leur costume pittoresque. Elle trouvait qu’il aurait bien mieux ressemblé à son époux, s’il avait été revêtu du plaid, du ceinturon, des hauts de chausses courts, et s’il avait porté à son côté des armes polies et éclatantes.

Outre ces sujets d’inquiétude, Elspat en avait d’autres qui naissaient de l’impétuosité extraordinaire de son caractère. Son amour pour Mac Tavish Mhor avait été mêlé de respect et même de crainte ; car les caterans, qui n’étaient pas des hommes susceptibles de se soumettre à l’influence des femmes, aimaient à leur inspirer ce dernier sentiment. Bien qu’elle aimât son mari, elle avait toujours été dans une sorte de dépendance timide à son égard. Mais cette autorité qu’elle n’avait pas exercée sur Mac Tavish, elle l’avait pratiquée impérieusement sur son fils pendant son enfance et sa première jeunesse, ce qui donnait maintenant à son amour maternel le caractère de la jalousie. Elle ne pouvait souffrir qu’Hamish, en avançant en âge, fît chaque jour un pas de plus vers l’indépendance, s’absentât de la cabane selon sa propre volonté, et pour autant de temps qu’il lui plaisait, et qu’il semblât croire, malgré tout le respect et la tendresse qu’il ne cessait de lui témoigner, que la direction et la responsabilité de sa conduite reposaient entièrement sur lui seul. Ces sentiments auraient été de peu de conséquence, si elle avait su les renfermer dans son sein ; mais l’ardeur et l’impatience de son caractère la poussèrent à manifester souvent à son fils qu’elle se croyait négligée, traitée avec froideur. Lorsqu’il s’absentait pour quelque temps, sans lui en faire connaître le motif, le ressentiment d’Elspat éclatait à son retour d’une manière si déraisonnable, que cette tyrannie suggéra enfin à ce jeune homme, amant de l’indépendance et désireux d’améliorer sa situation dans le monde, le projet de quitter la demeure maternelle. D’ailleurs, ce projet seul lui offrait la possibilité de pourvoir aux besoins de celle dont les prétentions exclusives sur sa tendresse filiale ne tendaient qu’à le confiner en un désert, dans lequel tous deux étaient mourants de faim, sans espérance et sans secours.

Un jour que Hamish s’était rendu coupable d’une nouvelle